Une femme. Un visage angélique aux longs cheveux blonds et aux yeux si clairs que je n'en aperçois pas clairement la couleur. Des traits si similaires aux miens.

Mais je sais tout de suite qu'il ne s'agit pas de moi. Ses traits sont un peu tirés, l'âge et la fatigue ont modifié son visage. Elle est pourtant la plus belle femme que j'ai jamais vu. Sa prestance est légendaire. Là, devant moi, elle m'écrase de sa douceur

Pourtant, je ne peux pas approcher. Je suis comme figée, incapable de bouger.

J'entends ma propre voix, plus jeune, mais ne vois personne d'autre qu'elle qui se penche comme si elle s'adressait à un enfant.

— Pourquoi il faut rester à l'intérieur, maman ? Je veux aller jouer avec Remy !

— Pas aujourd'hui, ma colombe, répond-elle avec délicatesse. Il faut rester à l'abri, pendant que papa nous protège.

— De quoi nous protège-t-il ?

L'inquiétude s'invite sur ses traits. Sa douceur s'évanouit légèrement pour laisser place à une femme qui craint pour la vie de son enfant.

— Des monstres qui nous veulent du mal. Mais ne t'inquiète pas, il sera toujours là pour te protéger, toi, sa petite fleur chérie.

Lorsque je sors du sommeil en sursaut, j'ai le corps recouvert de sueur et la chair de poule recouvre ma peau frigorifiée. Je frissonne si fort. La tête en vrac, les pensées tourbillonnant sans cesse, je cherche du regard celle que je suppose être ma mère, mais il n'y a personne. Personne d'autre dans ses appartements qui se font de plus en plus familiers à chaque réveil.

Je soupire. C'est ma vie désormais.

Emilya avait raison : les souvenirs me reviennent lentement, mais ce ne sont que des bribes et ils sont si flous que je ne peux pas en comprendre grand-chose. Mais je me rappelle bien cette émotion : l'angoisse, l'effroi Et tout à coup, l'espace d'une seconde, j'ai peur de découvrir ce qui s'est passé cette journée-là.

Emilya m'accompagnera dans cette quête de réponses. Elle habite des appartements spacieux et elle m'a fait promettre de prendre ses repas avec elle au lieu de le faire dans la solitude des miens. Et comme elle est loin d'être aussi sombre et menaçante qu'Aydan, j'ai accepté son offre. Un peu de compagnie ne me fera pas de mal.

Elle m'a aussi promis de me faire faire une visite plus mieux du manoir aujourd'hui, puisque je ne suis plus enfermée comme une prisonnière et que je peux désormais y évoluer comme je le souhaite. Cet endroit est un véritable labyrinthe.

C'est mieux que rien.

C'est avec un semblant d'espoir et de bonne humeur que je me tourne vers l'armoire pour y récupérer mes vêtements de la journée et que je le vois, caché dans les ténèbres de la chambre. Aydan. Le cœur au bord des lèvres, je recule d'un bond et couvre ma poitrine, pourtant bien cachée sous ma tunique de nuit. J'ai l'impression d'avoir été surprise nue.

Que fait-il dans mes appartements, caché là, tel un prédateur ? Me regardait-il dormir ?

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Je maitrise ma voix, toutefois cette intrusion dans mon intimité m'effraie.

— Je te regardais dormir, répond-il avec le plus grand calme.

Il sort de la pénombre dans laquelle il s'était réfugié un naturel et un flegme qui me désarçonnent, comme s'il n'avait rien fait de mal. Ke voir aussi à l'aise alors qu'il a violé mon espace personnel me donne envie de le défigurer.

Et tant pis pour son beau visage.

— Alors ? me demande-t-il soudain.

— Alors ? répété-je, indignée par son comportement.

Les Spectres OubliésWhere stories live. Discover now