Il soupire, son front contre le mien.

— On doit parler, lâche-t-il à contrecœur.

Même s'il a raison, je n'ai pas non plus la tête à la discussion. Maintenant que j'ai goûté à ses lèvres, aux sensations de son corps contre le mien, je n'ai envie que de l'embrasser de nouveau. Même s'il m'énerve la moitié du temps, l'autre moitié il prend soin de moi, me traite comme personne ne l'a fait auparavant.

Je ne peux nier l'attraction qu'il exerce sur moi. Lorsque j'entre dans une pièce, je le cherche toujours du regard ; lorsqu'il s'y trouve, mon attention est obnubilée par sa personne. Il est têtu, parfois difficile, mais il nous protège, sa sœur et moi, comme la prunelle de ses yeux.

Si, au début, j'étais énervée qu'il m'ait encore menti, qu'il ne m'ait pas révélé qu'il me connaissait avant, désormais ça m'importe peu. J'ai compris qu'il ne pouvais pas tout me dire dès que je me suis réveillée ; ma réaction aurait probablement été brutale.

Me guidant par la main, Aydan m'invite à m'asseoir sur le fauteuil qu'il occupait. Puis, une fois que je me suis installée, il s'agenouille devant moi.

— J'ignore ce dont tu te souviens ou non, Eldéa, mais les souvenirs manquants te reviendront bien assez tôt. Je veux que tu saches que je serai là pour toi, que tu auras une épaule sur laquelle pleurer, que...

Ses derniers mots m'interpellent. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.

— Pleurer ? répété-je d'une petite voix.

Aussitôt, sa grande main recoupe ma joue. Des frissons remontent le long de mon échine.

— Je te l'ai dit : tu as vécu des choses difficiles. J'ai voulu t'éviter de les affronter toutes au même moment, mais Eldéa, tu ne pourras pas éviter les fantômes du passé. Je serai là.

Je ferme les yeux un instant, reconnaissante malgré tout de ne pas être seule. Son changement d'attitude, loin de me déplaire, agit tel un baume sur mon cœur malmené. Depuis qu'Emilyah fait partie de mon quotidien, je n'ai plus à craindre la solitude, toutefois la présence d'Aydan me procure un sentiment de bien-être immense. J'ai l'impression d'avoir retrouvé une partie de moi qui s'était égarée.

— J'étais mariée à ton frère, lâché-je du bout des lèvres.

Son visage se renfrogne, comme si je l'avais giflé. Cependant, il ne peut pas continuer d'éviter le sujet ; j'ai besoin de réponses, de comprendre ce qui s'est passé.

— Il est mort.

Son ton est froid, glacial. Je ne laisse pas son changement d'émotion me perturber ; de toute façon, ce n'est pas la première fois que je l'affronte. Aydan est parfois imprévisible, mais maintenant que j'ai vu sous son masque, je sais qu'il n'est pas mauvais. Enfin, je l'espère...

— Comment est-il... mort ? demandé-je.

Je n'étais pas amoureuse de Ramay. Mes souvenirs ne sont peut-être pas complets, mais je me rappelle de mon mariage forcé, de mon dégoût pour son attitude condescendante... puis tout devint flou. Avec un pincement au cœur, je revois mon père me donner à un Immortel, comme si je n'étais rien d'autre qu'un objet. Comment a-t-il pu me faire ça ?

— Hé, hé, Eldéa, tout va bien.

Avec inquiétude, il me force à le regarder dans les yeux. Ils ne me semblent plus si sombres aujourd'hui. Je crois même y apercevoir une lueur argentée.

— Ramay n'était pas un homme bien. Tu es mieux sans lui.

Je secoue la tête. Même s'il ne paraissait pas être l'Immortel le plus agréable à côtoyer, je ne lui souhaitais pas la mort. Elle n'a que trop rôdé ici, dans cet endroit où il ne reste plus que des os.

Les Spectres OubliésWhere stories live. Discover now