Souvenirs d'un autre temps
Il a de grands cheveux longs noirs qui lui encadrent le visage, des yeux sombres dans lesquels on pourrait plonger. Il est grand, avec une musculature digne de athlètes que j'ai vu dans les livres imagés de la bibliothèque de mon père. Même si l'homme est taché du sang noir de la créature, il est magnifique.
Il s'approche de moi, me tend la main. Même si je sais qu'il ne me veut pas de mal – pourquoi m'aurait-il débarrassé du monstre sinon –, il me faut quelques instants avant de la prendre. Mon regard est fixé sur lui, sur cette apparition d'un autre monde qui vient de me sauver la vie et, ce, à mains nues. C'est un immortel. C'est la seule explication possible.
Lorsque je suis de nouveau sur pied, la seule chose que je trouve à dire est, prononcé d'une voix trop faible :
— Merci.
Mon sauveur esquisse un petit sourire en coin, presque narquois, comme s'il ne venait pas juste d'ouvrir uniquement avec la force de ses bras un monstre. Comme si sa force n'avait rien de surprenant.
— Tout le plaisir est pour moi. J'excelle dans le domaine du sauvetage de jeunes demoiselles en détresse.
Un peu choquée par sa nonchalance, je me prends néanmoins bien vite au jeu et lâche un ricanement franc.
— Et tu en sauves beaucoup, des jeunes demoiselles ?
Il se passe une main ensanglantée dans le cou avant d'esquisser une moue faussement ennuyée.
— Pas vraiment. En fait, tu es la première que je sauve, mais je me suis dit que je devais te mettre en confiance.
J'esquisse un mince sourire, amusée par cet étrange personnage. Il me parle avec une telle nonchalance au milieu du chaos que je ne peux m'empêcher d'être séduite.
— Tu es un Immortel, pas vrai ? lui demandé-je de but en blanc.
Un peu surpris par ma question directe, c'est à son tour de ricaner.
— Nous ne sommes pas vraiment immortels, tu sais.
Pourtant, c'est ainsi que nous, le peuple humain normal, les appelons. Ce sont des membres des grandes lignées, à qui les dieux ont autrefois accordé des dons surnaturels et une longévité anormale. Aujourd'hui, ils sont nos seigneurs, gouverneurs, souverains, autorités, puisqu'aucun humain ne peut égaler leur force physique. Ils sont les plus forts.
Cet homme est le premier de sa race que je vois, pourtant je n'ai aucun doute sur sa nature. Personne d'autre ne peut déchirer ainsi un être vivant, encore moins un monstre. Toutefois, il y a quelque chose d'autre chez lui, une étincelle qui le démarque.
— À côté des Hommes, vous l'êtes, en tout cas.
Il s'approche tranquillement, me fixant toujours de ses prunelles sombres.
— Nous sommes aussi des Hommes, argumente-t-il, ayant perdu son air narquois mais non sa nonchalance. Nous vivons, mourrons, tombons malades, aimons, pleurons.
— Et vous tuez des monstres comme si de rien n'était.
L'un d'eux pourrait arriver à tout moment – ou plusieurs, même –, toutefois en sa compagnie, je n'ai plus peur. Étrangement, mon angoisse s'est envolée, au profit d'une curiosité sans borne pour cet Immortel, cet homme provenant d'un autre milieu que le mien.
— Ça s'oublie facilement, répond-il.
J'en doute. Mon père est soldat et jamais il ne serait capable d'un tel geste. Si c'était le cas, que les autres combattants étaient aussi forts, peut-être que les monstres ne régneraient plus sur notre royaume. Que nous serions enfin libres.
— Et donc, tu te promenais dans les environs, à la recherche d'une femme à sauver ?
Qu'il soit Immortel passe encore, mais qu'il se trouve aussi près de moi, alors que l'endroit est désert et que les habitations sont rares... Ça me parait improbable, voire impossible.
Il esquisse de nouveau un petit sourire.
— Tu te trouves, ma jolie, sur mon territoire. Je suis le seigneur régnant de la maison Arkadès.
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Les Spectres Oubliés
FantasyEldéa se réveille, sans souvenirs, dans un château vide... Enfin, presque vide. Le maitre des lieux, Aydan, un homme aussi mystérieux que détestable, y vit, seul. Il lui interdit de sortir du manoir, la condamnant à une existence morne. Mais c'est s...