Souvenirs d'un autre temps
Il fait plus noir que dans un four, la chaleur a disparu pour laisser place à un vent fort, glacial. J'aimerais pouvoir me réchauffer, mais les habits que j'ai enfilés ont été conçus pour me protéger des monstres, et non du froid.
Ils arrivent.
Ce sont eux qui ont laissé dans leur sillage les tempêtes, les orages, les nuages noirs et ont éteint la lumière de Terabita. Quelque chose – ou quelqu'un – a attiré les monstres et, maintenant, ils approchent. Je cogne à la porte une, deux fois, sachant très bien que je n'ai aucun moyen de me rendre chez moi à temps. Je ne survivrai pas. Mais Mme Dickson n'ouvre pas, ne me répond pas. Elle m'a renvoyée à l'extérieur pour y mourir.
Et dire que lorsque j'étais jeune, elle me donnait des friandises et jouait aux petits chevaliers avec moi...
L'angoisse montant d'un coup, je tente d'ignorer la boule qui se forme dans ma gorge pour me concentrer sur ce que j'ai à faire : rentrer à la maison saine et sauve. Il n'y a pas d'autre moyen pour m'en sortir, pas d'endroit où me cacher et, même si j'ai peu de chances d'y arriver, je dois au moins essayer. C'est la première fois qu'une telle chose m'arrive – je n'ai pas mis le pied dehors depuis la mort du jour – mais l'angoisse m'étreint à la pensée de mon destin, auquel je ne peux pas échapper.
Une respiration.
Je prends l'un de mes couteaux en main, prête à toi, puis me jette en enfer.
Deux respirations.
Je devrais lâcher la viande, qui ne fera qu'attirer les monstres à moi, mais je n'ai pas le cœur d'abandonner aussi facilement le but de cette mission périlleuse. Sinon, pourquoi avoir risqué ma propre vie ?
Trois respirations.
Je me rends compte de l'absurdité de garder avec soi de la nourriture pour monstres.
À cet instant, j'entends presque la voix de mon frère résonner avec force dans mon esprit.
Abandonne-la, cours pour ta vie, Eldéa !
Et c'est ce que je fais, non sans un pincement au cours. J'abandonne la viande, le paquet s'écrase au sol dans un bruit mat, mais déjà, je me concentre sur l'horizon, qui se profile avec difficulté devant moi. Cours, cours, cours. La sueur me coule dans les yeux alors que je file plus vite que je ne l'ai jamais fait. Il n'y a plus de grâce, de dissimulation, je cours pour ma vie.
Mon cœur bat si vite que je crains qu'il ne sorte de ma poitrine, ma respiration est erratique et me fait perdre de l'oxygène, mais je suis trop anxieuse pour la calmer. J'ai encore des kilomètres à parcourir.
Plus les minutes défilent, plus les environs s'assombrissent. Bientôt, je ne vois plus qu'à quelques mètres devant moi. Un monstre pourrait apparaitre d'un coup, me prendre par surprise. Mais si je suis en panique, je ne suis pas stupide pour autant. Je mets en pratique les conseils que mon père m'a donnés et garde les sens aux aguets, me basant principalement sur l'ouïe. Il parait qu'on les entend venir. Toujours.
La température descend à une vitesse folle. Ma peau se recouvre de chair de poule. Mes jambes, qui ont pourtant parcouru de plus grandes distances, se fatiguent. Mon corps me lâche petit à petit, déstabilisé par la situation.
Ne me lâche pas s'il te plait !
Mais plus je cours, plus j'ai l'impression d'avancer vers nulle part. Les minutes s'écoulent et le manoir n'apparait toujours pas.
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Les Spectres Oubliés
FantasyEldéa se réveille, sans souvenirs, dans un château vide... Enfin, presque vide. Le maitre des lieux, Aydan, un homme aussi mystérieux que détestable, y vit, seul. Il lui interdit de sortir du manoir, la condamnant à une existence morne. Mais c'est s...