Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir qu'il se trouve derrière moi. Il doit me surplomber de toute sa hauteur puisque je le sens. Ma peau se recouvre de chair de poule lorsque je l'imagine me regarder comme il l'a fait ce matin, alors que je dormais. J'aimerais me faire toute petite, pour qu'il m'ignore, qu'il cesse de me fixer comme il a l'habitude de le faire.
Heureusement, un soupçon de courage m'envahit. Je me retourne aussitôt pour lui faire face. Je ne prends pas le temps de le regarder, de me laisser intimider par son aura. Je calme mes mains tremblantes, ma respiration, et lève le menton. Je ne le laisserai pas faire de moi une petite chose soumise.
— Qu'est-ce que tu veux ? lui lâché-je du ton le plus sec possible.
— C'est plutôt à moi de vous poser la question.
Il nous désigne d'un geste de la main presque dédaigneux.
— Vous vous trouvez dans un couloir qui mène uniquement à mes appartements. Emilyah, tu voulais lui montrer mon espace privé ? demande-t-il à sa sœur avec une négligence qui me donne envie de lui arracher les globes oculaires.
Emilyah ne se laisse pas abattre, sûrement parce qu'elle a passé une vie complète à supporter son frère. Pourtant, au lieu de l'affronter avec les mains sur les hanches et un ton sévère, elle garde une mine sympathique. Le contraste entre sa voix sévère et son expression faciale me saisit.
— Je lui fais la visite du manoir, Aydan. Et il se trouve que ce couloir en fait partie !
Il ne se laisse pas abattre par sa sœur et par nos postures récalcitrantes. Il sait bien qu'on ne veut pas de lui et il n'en a rien à faire. Nous ne sommes que des insectes à ses yeux. Tout ce qui compte pour lui, c'est de me rappeler qu'il est le maitre, qu'il me contrôle.
Je ferme les poings, garde la tête droite, sachant très bien que s'il est là c'est pour moi. Il ne semble pas être du genre à lâcher le morceau.
— Oh, je la cherchais justement, celle-là, dit-il en me pointant du doigt. Nous avons une discussion à finir, toi et moi.
— Il n'y a rien à finir, le coupé-je, sentant le courage enfler en moi. Tu n'as pas à violer mon intimité, personne ne t'a jamais dit que c'était rude ? Tu fais ça à chaque femme que tu héberges ?
Un petit sourire, arrogant, qui me donne envie de lui arracher la figure, se dessine sur son visage. Il trouve visiblement la situation très drôle. Pas moi.
— Oh, mais ma chère, tu es la première à qui je rends ta petite visite nocturne.
Sous le coup de l'impulsion, je le gifle. Je n'ai pas pu m'en empêcher. Je le frappe une deuxième fois, tandis que la colère en moi refuse de quitter. Une fois qu'elle est là, elle veut prendre le dessus sur mon esprit. Elle rugit à mes oreilles, m'incite à le blesser parce que cet imbécile. ne semble pas comprendre les paroles que je lui dis.
Les derniers jours me reviennent en tête. La peur de ce premier jour, dans le noir, emprisonnée ; le réveil dans une chambre qui n'est pas la mienne ; mon identité envolée ; son manque d'empathie ; sa façon de se comporter avec moi...
Il a reculé d'un pas. Une lueur de surprise passe dans ses prunelles avant qu'il ne revienne à la normale, revêtant ce masque d'odieuse personne. Et pour la première fois, je ne fais pas taire ma rage, mais la laisse parler. Je ne suis plus cette petite bête fragile qui s'est réveillée dans une chambre inconnue sans réagir. Plus les jours s'écoulent, plus mes émotions deviennent fortes, incontrôlables.
— Je ne sais pas qui tu es, ce que tu m'as fait, pourquoi tu me retiens ici, mais rien ne te donne le droit de me traiter ainsi ! J'ai le droit au respect !
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Les Spectres Oubliés
FantasyEldéa se réveille, sans souvenirs, dans un château vide... Enfin, presque vide. Le maitre des lieux, Aydan, un homme aussi mystérieux que détestable, y vit, seul. Il lui interdit de sortir du manoir, la condamnant à une existence morne. Mais c'est s...