6. Cet accord Juste

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Désirée referma lentement la porte de cette réserve poussiéreuse ayant abritée sa petite crise existentielle.
Elle poussa un court soupir, résonnant dans l'air vidé de vie du Mobydick à cette heure avancée de la nuit.

Elle détestait cela.
La faiblesse.

Elle ne l'avait jamais vraiment supportée, surtout quand enfant sa mère était partie du jour au lendemain sans jamais revenir, ne laissant aucune explication.
C'était le genre de choses qui marquaient la vie d'une fillette de cinq ans, faisant déjà la taille d'un gosse du double de son âge. La hauteur de son petit corps et sa génitrice. Voilà quels étaient les problèmes principaux de sa vie avant ses 28 ans.

Et évidemment il y avait eu un après. Durant ses premiers mois sur le Mobydick, elle n'avait pas réussi à faire une seule nuit de sommeil correcte, réveillée par ses cauchemars et remords.
Or elle avait rapidement dû faire un choix, pour survivre. Si elle se faisait attraper, c'était l'exécution pour trahison. On ne rigolait pas avec ce genre de choses chez un équipage pirate tel que celui de Barbe Blanche.

Une famille devait après tout toujours se serrer les coudes, n'est-ce pas ?...
Eh bien c'est ce qu'elle faisait, à sa manière.

Les siens n'étaient pas sur ce navire. Les bons vivants parfois pas très malins de ce destrier des mers n'étaient pas ses frères. Ses collègues infirmières qui passaient de longues heures à décrire leurs hommes idéaux n'étaient pas ses sœurs.
Les deux seules personnes au monde qui répondaient à cette appellation étaient très loin d'elle, sur une île dont elle connaissait uniquement le nom, et vers laquelle elle envoyait des lettres quelques fois par an.

Hana et Kusu. À Terrenoire.
C'était le nom de la terre sur laquelle le Gouvernement Mondial les avait installés.
Enfin... il s'agissait des mots de l'amiral Akainu.

Mais quand elle avait reçu une première réponse quelques mois après son arrivée sur le navire qu'elle devait infiltrer, un immense poids s'était enlevé de ses épaules.
C'était bien eux qui avaient apposés sur le papier ces mots. Du moins, il s'agissait de leurs écritures.

La brune n'avait jamais eu de certitudes mais elle n'avait pas le choix. Elle devait faire avec, se persuadant que son frère et sa sœur étaient belle et bien en sécurité, vivant leurs vies civiles sans se poser de question sur cette île nommée Terrenoire.
Il s'agissait de l'unique désir qu'elle s'autorisait.

Une vie normale.
Cette vie qui avait été la sienne et qu'on lui avait arrachée sans se poser de questions.
C'était ce qu'elle souhaitait pour Hana et Kusu. Car ils avaient l'avenir devant eux

- Un compte rendu par mois, ne parlons pas de ton sort si nous soupçonnons la moindre rébellion de ta part, encore moins de celui de ta charmante sœur et de ton frère... Vous n'avez rien d'innocents. murmura Désirée avec une pointe moqueuse dans la voix, manquant sincèrement de saveur.

C'étaient les paroles prononcés par Sakazuki Akainu lorsqu'ils avaient conclu cet accord.

Vous n'avez rien d'innocents.
Quel cinglé.

Il détenait sa vie et celle de sa famille dans la paume de sa main, et elle était obligée de lui obéir ; mais quelque chose ne changerait jamais.
L'homme de lave était quelqu'un d'haïssable.

Elle se souvenait parfaitement de l'expression sadique qui avait peints ses traits lorsqu'il lui avait dit qu'ils l'envoyaient sur le Mobydick, le navire amiral de l'homme le plus fort du monde et l'un des quatre Empereurs.
La brune avait déjà dit oui à ce moment-là, mais ce n'est pas comme si sa volonté avait un jour été entendue. L'amiral à la Justice implacable se vengeait simplement de la déception qu'elle avait lu dans ces yeux lorsqu'on lui avait annoncé qu'il fallait en garder au moins quelques-uns en vie, qu'ils pouvaient encore être utiles.

Mon épée fleurieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant