Mon épée fleurie

32. Ce bout de papier

BOUM !!!

Voilà ce que fut le son qui résonna dans cette salle de réunions remplit d'hommes et de silence. Voilà la réalité qui la heurta en pleine face.

L'on ne pouvait pas dire que c'était soudain. Quelque part, elle s'y attendait.
Les rouages étaient déjà sur le point de s'assembler, à un rien d'ensembles, former la machine destructrice qui la conduirait à sa mort. 

Alors Désirée Weller-Smith s'effondra au sol sous le coup de jambe savant de Marco le Phénix, le visage en avant en se tenant difficilement de ses mains tremblantes.
Enfin pas difficilement. Elle ne se tenait absolument pas. Le visage effondré contre le sol, les larmes pointant naturellement au bord de ses yeux de cette couleur si détestable.

Cela arrivait. Ce qui était prévu depuis le début.
La faucheuse arrivait enfin, pour la chercher. Enfin. Enfiiiinn-

Soudain une main la saisit par la nuque, poussant un coup sec pour lui faire relever le visage. Cette peau brûlait, chaude d'une hargne qu'elle pouvait ressentir par ce simple contact.
Le commandant de la 1ère flotte en avait assez de toutes ces histoires, semble-t-il.

Trahison sur trahison.
Confiance détruite, l'une après l'autre.

Mais elle n'avait jamais demandé ça, elle. Ces huit dernières années, elles n'auraient jamais dût les expérimenter, le corps laissé aux rapaces aux côtés des membres de sa famille.

Alors elle ouvrit les yeux, difficilement, elle n'avait pas le choix après tout.
Son corps devait faire face, parce que son âme elle, était déjà partie bien loin.

La lumière l'éblouit à nouveau, violente, intransigeante ; tel cette main qui la maintenait droite face au monde. Et ce qu'elle vit était tout parlant de vérité.
La brune n'avait pas rêvé en entrant dans cette pièce. Il y avait seize hommes devant elle. Quinze des commandants, dont le premier derrière elle.

Et enfin juste là, se trouvait ce capitaine. Cet immense capitaine. Oh bien sûr la survivante de Teïre n'était pas minuscule, mais face à lui elle n'était rien de plus qu'un termite.
Un insecte vulnérable qu'il pouvait écraser de la plante de son pied à n'importe quel moment. En fait non, pas besoin de bouger. Car le regard que lui jetait actuellement Edward Newgate aurait été capable de la tuer sur place.

Le gris de ces yeux plissés par l'âge était quelque part semblable au sien, à ce brouillard trompeur qui avait régné en elle durant de si longues années. Mais maintenant il devenait inutile.
Combien de fois avait elle cauchemardé sur ce jour ? Sur cet instant précis ou elle lirait la blessure de la trahison sur ces visages.

Ils étaient des pirates, alors ils ne devraient pas fonctionner ainsi. Voilà ce qu'elle s'était dit au départ. Or ils restaient des êtres humains, avec des codes de l'honneur et des sentiments ; bien plus qu'elle à vrai dire.

Bien plus que-

- Izou, amène qu'on lui fasse lire ça.

- Oui, oui...

Une chaise racla contre le sol, interrompant le fil de ses pensées de plus en plus sombres.
Elle n'avait cependant pas le luxe de tourner le regard, le médecin en chef la tenant fermement dans une unique position.

C'était ridicule. Jamais elle ne serait capable de lever la main sur l'un d'entre eux. Ils étaient trop puissants pour elle.
Elle ne souhaitait même pas leur malheur ; tout ce qu'elle voulait depuis le départ elle, s'était survivre. Vivre.

Une larme coula finalement le long de sa joue, répondant à cette vérité claire et douloureuse qui s'installait en elle. La brune savait qu'ils l'avaient vu, que personne ici n'en perdait une miette.
Mais peu lui importait. La crainte était un sentiment naturel. Oui, il était un sentiment. Cette larme signifiait quelque chose. Elle était peut-être causée par la violence du coup qu'elle s'était pris mais peu importait en réalité.