39. Libre

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La potence était là.
Voilà ce dont Weller-Smith Désirée s'était convaincue, seule dans cette geôle, seulement accompagnée du goutte à goutte de cette eau tempétueuse.

Voilà ce que ce corps sans âme, ce pantin articulé attendait.
La seule solution. Parce qu'elle n'était plus rien sans eux, sans ce frère et cette sœur pour qui elle avait tout sacrifié.

Car elle avait trahi, autant eux qu'elle-même. Elle s'était détruite.

Ils l'avaient anéanti.
Comme prévu.

Oui la Marine, la Justice blanche comme la neige avait gagnée. Ils avaient gagnés quand son île natale était partie en fumée, quand l'étiquette de grande coupable lui avait été collée au front.
Quand elle avait perdu sa vie tranquille, cette normalité coupée du monde qui lui était toujours allée comme un gant. Quand masque elle avait mis, quand tout ce qui faisait d'elle un être humain avait été anesthésié.

Lentement, sûrement.
De sa propre main à elle.

Ils avaient vaincu quand Damoclès s'était abattu, quand elle s'était tût pour terminer sa tâche, pour protéger à tout prix.
Et surtout, ils avaient conquis ce terrain inutile en rasant cette île de Terrenoire, en prenant les dernières graines de Teïre pour qui elle avait tout donné.

Ils avaient gagné.
Et elle, sa tête tomberait sous la lame de cet empereur pirate.
Voilà ce qui en elle, était claire, seul phare d'une lumière noire dans ce brouillard qu'était devenu son existence et son esprit inutile.

Alors la brune ne comprenait pas. Non, elle ne comprenait pas pourquoi on ne l'avait pas amené sur le pont, pourquoi au contraire des autres jours, les regards n'avaient plus été accusateurs, pourquoi les gestes avaient été amicaux, réconfortants. Était-ce vraiment la patte de cet équipage, que d'endormir la proie avant de la sacrifier sur l'échafaud ?... il ne lui semblait pas.

Ici les hommes et femmes portaient l'honneur en bandoulière, la famille dans le cœur.
Ils étaient tout ce qu'elle n'était pas. Il était tout ce qu'elle n'avait jamais été.

Pourtant, elle était ici désormais. Ce corps affaibli et affamé n'acceptant plus aucune nourriture, ne pouvant boire que quelques gorgées d'eau ; se tenant contre l'un des panneaux de bois de cette salle de réunion tel un enfant collé à sa mère, avec désespoir.
Ses prunelles noires brouillées de grisailles accrochés à cet homme, qui solitaire l'observait de son éternel siège, imposant par sa seule présence.

Car l'infirmière se trouvait seule, seule face au grand Barbe Blanche qui l'avait fait amener par ses fils à toute vitesse. Que lui voulait il, ce pirate connu de tous à la moue indéchiffrable ?
Cet homme le plus fort du monde dont les prunelles étaient toujours, incompréhensibles. Voulait il l'exécuter en silence, l'étouffer tel l'insecte qu'elle devait être pour lui ? Est-ce que même son dernier souhait ne serait-il pas écouté ?... ne pourrait elle même pas rendre son dernier souffle sous le ciel bleu, accompagnée par ces courants d'airs ?...

- Assis toi petite, tu ne tiens presque pas debout.

- ...

- Pourquoi ne manges tu pas ce que l'on t'apporte ? La cuisine de Thatch n'est-elle plus à ton goût ?

Le silence toujours, il n'y avait que lui qu'elle connaissait. Que lui qu'elle pouvait leur donner.

Car cette bouche, elle ne se souvenait plus de l'avoir jamais ouverte. Cette gorge la faisait souffrir, et l'utiliser n'était plus naturel. Ce n'était plus elle.
À quoi bon marquer un peu plus ce monde de son existence si rebutante ?... elle n'en avait pas l'envie. Elle n'avait plus d'envie.

Mon épée fleurieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant