Mon épée fleurie

22. Paroles innocentes

Désirée observait les rayons du soleil pénétrant dans la cabine privée du commandant de la 5ème flotte de Barbe Blanche, assise sur la grande couchette à attendre elle ne savait quoi.

À réfléchir. À penser.
Ses prunelles étranges suivaient le vol des particules de lumière et de poussière rendues visibles par ce début de matinée.

Elle n'avait pas beaucoup dormi. Déjà parce qu'une bonne partie de la nuit avait été destinée à son amant. Mais surtout car ce cauchemar... ce cauchemar n'avait rien eu de reposant, au-delà de son réveil en sursaut, hurlant à la mort dans les bras de l'homme qui lui avait fait l'amour.

Un sourire sans saveur recouvrit ses lèvres. Par Roger, c'était une sacrée première nuit.
Si Vista ne la jetait pas de sa couche maintenant, elle était au moins sûre qu'il la garderait à ses côtés dans presque tous les cas de figures. Et elle disait bien presque.

Parce que la survivante de Teïre n'avait pas oublié. Et elle n'oublierait jamais.
Encore moins cette semaine, alors que cette nouvelle date limite s'approchait jour après jour. Alors même que ce dilemme qui divisait son esprit depuis l'arrivée de Portgas.D.Ace dans leur équipage revenait au goût du jour. La narguant avec plaisir.

C'était quitte ou double.
La brune ne pouvait pas croire Akainu, elle le savait. Il était le responsable de tout cela, l'envoyé de la Marine qui avait massacré les siens et la maniant tel une poupée de cire.

Mais elle était persuadée d'une autre chose, et c'était bien que l'amiral de lave n'aurait jamais lancé de mots dans le vide. Cette phrase énigmatique avait un sens.
Si elle révélait l'existence du fils du Roi des Pirates, sa condition d'espionne, non... d'esclave serait revue. Et c'était bien plus d'espoir qu'elle n'en avait jamais eu.

Or tout avait un prix.
L'infirmière poussa un long soupir, jouant avec ses mèches ternes du bout des doigts, les dégageant de la couverture dans laquelle elle s'était enroulée tel une enfant.

Il lui fallait vendre un gamin. Et la bouille du Poing Ardent s'imposa dans son esprit.
Quand elle l'avait récupéré dans ce couloir, pissant le sang alors qu'il avait été porté par la faim. Lors de sa fête de bienvenue, déjà bien alcoolisé en tentant de l'inviter à les rejoindre pour profiter de la boisson.

Il était un enfant. Et sa tête lui offrirait peut-être cette liberté tant désirée, ce droit de vivre qu'elle souhaitait enfin obtenir.
Elle ne voulait plus subsistait juste pour Hana et Kusu, désormais. Non. Elle aussi avait envie d'être heureuse.

Cependant, cet équilibre qu'elle venait de trouver était fragile. Elle le savait mieux que quiconque. Pourtant elle était heureuse ainsi. Vraiment heureuse.

Désirée soupira. Encore.
Fermant les yeux pour mieux entendre le son des vagues et des voix des pirates de quart ce matin-là. Pour mieux distinguer l'eau qui coulait à quelques pas d'elle, dans la salle de bain que Vista avait pris d'assaut quelques minutes plus tôt.

Il l'avait rassurée comme personne ne l'avait jamais fait.
Là, étendue tout contre lui il l'avait écoutée. Elle lui avait parlé d'avant.

De Teïre et ces oiseaux joyeux.
De ces vieux professeurs de médecine. Des enfants. De son frère et de sa sœur. De son père. Jamais d'Eris. Jamais de la Marine. Jamais de ces soi-disant pirates.

Ils n'avaient pas refait l'amour. Ce n'était pas nécessaire. Hier, leurs corps avaient parlés.
Ce matin, c'étaient leurs cœurs ainsi que leurs esprits. Et maintenant qu'elle était seule, la femme de 35 ans avait eu le temps de s'examiner, notant du coin de l'oreille le nouveau silence de la plomberie.

Des suçons s'étalaient sur toute la longueur de son cou. Les coups de reins pourtant retenus de Vista la hantaient encore en bonnes courbatures.
Ses seins étaient encore gonflés d'hormones. Cela faisait trop longtemps qu'elle ne s'était pas donnée à qui que ce soit. Et ce corps qui était le sien était désormais celui d'une femme aimée.