11. Cette lettre fleurie

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Le moins que l'on puisse dire c'était que le Mobydick était calme ce matin-là.

Pas de cris.
Pas de vaisselles accidentellement cassée dans le réfectoire. Pas de blessures à l'entraînement.

Uniquement le son du roulis des vagues qui s'écrasaient sur la coque des navires du plus vieux des Empereurs.
Et parfois quelques voix qui ressemblaient plus à des chuchotements qu'autre chose.

L'on était simplement un lendemain de cuite générale. Désirée ne savait pas quand ils s'étaient arrêtés. Et d'ailleurs cela ne la concernait pas, elle ne souhaitait pas le savoir.

La brune n'avait pas eu elle-même ce qu'on pourrait appeler une bonne nuit de sommeil.
Pas qu'elle en aient jamais à vrai dire. Mais elles étaient généralement plus ou moins mauvaises.
Et les quelques heures de sommeil qu'elle avait réussi à grapiller, gémissant sur sa couchette alors qu'elle était hantée par l'esprit d'Eris ne pouvaient rentrer dans la catégorie "reposante".

Ses oreilles fumaient encore de ces paroles intransigeantes.
Mots qui elle le savait, il n'aurait jamais dit de son vivant. Or son esprit ne s'était pas gêné pour la torturer.

Démone. Pute.
Tu n'aurais pas dû survivre. Depuis quand est-ce que tu apprécies les pirates ?

Tu es comme eux. Meurtrière.
Je ne t'ai jamais aimée.

Oui, sa nuit n'avait pas été bonne. Et la native de West Blue savait très bien pourquoi.
Parce que la veille même, les fondations de ses bonnes résolutions avaient été ébranlées.
Pour la première fois depuis bien longtemps, les deux elles s'étant en quelques sortes rejointes.

L'infirmière du Mobydick. L'espionne du Gouvernement Mondial.

Ce n'étaient rien de plus que deux facettes de la pièce de son existence, celles qui pourtant la faisaient vivre.
Or au plus profond d'elle-même elle était une seule et unique personne, Désirée Weller-Smith.

Et c'était sous ce masque qu'elle souhaitait vivre.
Et pas juste survivre.

Mais encore une fois, il s'agissait d'un désir.
Alors c'est en fronçant les sourcils d'une drôle de manière, esquivant les déplacements aléatoires de ses plus jeunes collègues que la femme de 35 ans tenta encore une fois de s'y convaincre.

Pourtant ça ne marchait plus.
Pour elle ne savait qu'elle raison d'ailleurs. Parce qu'elle était fatiguée ?... parce qu'au fond d'elle, elle n'était plus sûre de toute cette histoire ?... parce que quelque chose avait changée ?.... Oh oui c'était certain, pensa la brune en lâchant un long soupir.

Il y avait forcément eu une nouvelle variable. Elle n'avait pas d'autre explication possible.
Et une autre que cette discussion bien trop intime à son goût avec le commandant de la 5ème flotte.

Par Roger, il lui avait même touché la lèvre !
Il ne lui en fallut pas plus pour virer au rose clair, son bas-ventre se tordant délicieusement.

C'était tellement étrange.
De ressentir autre chose que de la peur et de la détresse ... elle n'était plus habituée à l'amour.
Plus du tout.

- Les filles si vous voulez piailler sur les abdos de je ne sais quel membre de tel flotte allez le faire sur le pont où les principaux intéressés pourront vous entendre. déclara Charlotte en entrant dans l'une des pièces principales de la division médicale du Mobydick.

- Oh mais-

- Précise qu'ils doivent tous avoir la tête dans le sceau. lança Désirée d'un ton qu'elle voulait confiant et joueur.

Mon épée fleurieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant