Mon épée fleurie

13. La rose et la ronce

- J'aimerais t'inviter quelque part Désirée, si tu me le permets...

Elle était déjà incapable de lui déclarer le contraire.
Sa permission, il l'avait déjà. Sauf si cela concernait une possible exécution sur le pont principal du Mobydick.

Car encore et toujours, elle devait survivre.
Peu importe que l'amiral Akainu ait fait de si étranges insinuations lors de leur dernier échange. Peu importe que le réel nom du petit nouveau soit en réalité Gol.D.Ace et non Portgas.

Elle, elle devait juste observer le soleil qui éclairerait le jour suivant. Autant qu'il le faudrait.
Autant qu'il le fallait.

Alors Désirée se munit de son visage de fer, faisant taire son cœur affolé qui battait la chamade, imposant à son corps un rythme de marche guerrière.
Elle ne savait pas à quoi elle ressemblait à l'heure actuelle. En revanche elle pouvait le deviner, une image floue et pourtant si précise d'elle-même lui étant renvoyée par les prunelles profondes de Vista.

Ces yeux sombres qui brillaient en bons diamants, la dévorant du regard, guidés par un mouvement succinct de son éternelle moustache. Ces mèches aussi sombres que les plus profondes des abysses retombaient en d'épaisses boucles sur sa peau sombre, cachées en parties par son éternel couvre-chef.
Sa grande taille la surplombait d'une bonne hauteur, elle et ses éternels talons qu'elle appréciait tant.

Lui, tout simplement.
Vista.

La brune était anxieuse, ne quittant pas du regard les iris du commandant de la 5ème flotte qui s'humidifiait lentement les lèvres, baignées d'une lueur douce et rassurante. L'une de celles qu'elle tuerait pour obtenir, dans laquelle elle voulait se plonger sans jamais en ressortir.
Mais entre ce que l'on souhaitait et ce que l'on obtenait, il y avait bien souvent un gouffre.

Elle se mura dans son rôle.
Elle était Désirée Weller-Smith, infirmière présente sur le Mobydick depuis plus de sept ans.

Elle ne sentait pas cette goutte de sueur qui se perdit dans le rose de sa mini-jupe si détestable.
Pas plus que les tremblements nerveux de ses doigts. Et cette pâte visqueuse habitant sa bouche était à son tour loin d'être réelle.

- J'ai conscience que c'est sans aucun doute prématuré mais je souhaitais te le demander moi-même. Et avant tout merci d'avoir répondu à ma lettre Désirée, malgré tous ces problèmes que j'ignore.

- Tu n'as pas besoin de me remercier Vista.

- Si tu le dis... j'obéis. susurra t'il avec une proximité de plus en plus... intime ?...

- Et donc, qu'est-ce que tu veux me demander ?

- Nous arrivons demain à Estellar. Me ferais tu l'honneur de m'accorder un peu de ton temps s'il te plait ?

- ...c'est un rendez-vous ?... chuchota la brune sans y croire aucunement.

- Oui c'est un rendez-vous. Enfin, rien de plus qu'une demande pour l'instant.

- ...

- Désirée ?

- Tu lis dans mon esprit Vista... lâcha l'infirmière du bout des lèvres, une rare pâleur couvrant son visage.

- Tant mieux si c'est le cas.

Bon sang.
Elle avait parlé à voix haute.

Depuis combien de temps ne s'était elle plus rendue coupable de cette erreur ridicule de débutante ?... Distinguer réalité et illusion était pourtant la base dans son métier si... si singulier.
Et elle venait de franchir cette limite.