36. La parole qui ne vaut rien

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On était venu la chercher.
Elle ne savait pas pourquoi mais ils étaient venus. Des pas, plus nombreux que d'habitude, trop proches du dernier passage aussi.

Ils étaient descendus. Les trois premiers commandants, rien de moins rien de plus.
Gol.D.Ace toujours aussi dégouté de ce lieu, ne cessant de la fixer en chien de faillance alors qu'il laissait ses frères ouvrir son cachot pour finalement, l'en sortir. La respiration de la brune s'était grandement accélérée quand cette chaine à la cheville droite lui avait été enlevée, s'écrasant dans un bruit sourd de métal sur ce sol qu'elle connaissait par cœur.

Elle n'avait jamais été aussi libre. Un instant durant, cependant.
Car il ne fallut pas plus que cette seconde pour que l'homme diamant, Joz ne passes derrière elle et l'arraches au sol comme si elle n'était pas plus lourde qu'un oiseau.

Ce qui était sans aucun doute le cas, cet unique repas par jour ne servant qu'à la garder en vie ; et elle avait déjà suffisamment de mal à l'ingurgiter. Elle avait la peau sur les os, à l'image même de son esprit épuisé, tombé dans le gouffre.
Alors ils l'avaient forcé à avancer, sans lui adresser un seul mot. La tirant des entrailles de son unique amie, l'éblouissant de la lumière de la lampe à huile qu'ils avaient prises avec eux. Il y avait très clairement une volonté de la rendre aveugle.

Mais après tout, pourquoi prendre soin d'elle alors qu'ils l'emmenaient directement vers sa mort ?

Car Désirée avait réfléchi, alors qu'elle se laissait trimballer le long de ce couloir traversé de courants d'air, jetant une dernière et faible œillade à cette couverture solitaire et à cette chaine qui plus jamais, ne serrerait sa cheville maigrichonne.
Elle avait rempli l'un des objectifs. Car aujourd'hui, le dixième doigt s'était baissé. Quelques heures plus tôt, elle ne savait plus vraiment quand, le repas lui avait été apporté. Et avec lui, un jour de plus était passé.

Elle le savait très bien, et ce depuis le début. Le moment où ils l'arracheraient à sa cellule serait celui ou enfin, décision aurait été prise. Ou cessant de délayer son exécution pour elle ne savait qu'elle raison, cet Empereur des mers ferait d'elle à son tour, un exemple pour les autres.

La mort.
Dans quelques minutes, elle la prendrait. Plus rien. Plus rien du tout. Et avançant en silence de ses pieds glacés hésitants, tremblant sur ses jambes nues elle se demandait enfin ce que c'était.

Ce que cela faisait. De mourir. Est-ce que c'était juste noir ? Ou alors comme certains le pensaient, un soi-disant dieu existait il ?... L'infirmière ne croyait pas à une divinité. Parce qu'elle refusait d'admettre que tout ce qui lui était arrivé était juste, mérité.

Au fil du temps, peut-être oui était elle devenue une coupable. Mais au départ elle, elle n'avait rien demandé. Elle n'avait jamais tué ; menti pour quelques sucreries enfant peut-être, mais l'un de ces crimes impardonnables comparables à ceux des pirates, jamais.
Comparable à ce que faisait Vista au quotidien, c'était... Non, il ne fallait pas qu'elle pense à lui, pas alors que la faucheuse venait la chercher. Enfin, ne serait-il pas plus juste de dire que c'était l'arme du capitaine qui allait s'abattre sur son cou ?...

Une marche après l'autre.
Des efforts incommensurables s'enchaînant.

Désirée se savait dans un mauvais état, ce qui n'était pas dérangeant lorsque l'on devait juste rester là, à ne rien faire dans ce trou oublié de tous ; mais maintenant, elle le ressentait en profondeur dans sa chair.
Ses muscles craquaient, grinçaient. Ses os étaient gémissants, implorant quelques instants de pause. Des secondes miraculeuses qu'elle n'était pas prête d'obtenir.

Alors elle avança, le regard baissé sur ses pieds, retenant des gémissements lorsque la poigne du commandant de la 3ème flotte se faisait un peu trop forte autour de ses deux bras croisés dans son dos.
Ils étaient impatients ces hommes, que ce soit dans leurs gestes ou leurs souffles. Quelque chose venait d'arriver, quelque chose qui de toute évidence leur forçait la main pour enfin, que son sang à elle aussi coule sur le pont.

Mon épée fleurieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant