31. La chute de Damoclès

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La pluie semblait ne jamais vouloir s'arrêter.
Le ciel pleurait, encore et toujours. Il se vidait pour elle ne savait qu'elle raison, triste d'une situation qu'elle ignorait.

Seules quelques accalmies avaient permis à l'équipage de l'Empereur de respirer, entre cette eau tapageuse et l'exécution d'un homme qui avait été leur camarade et frère durant de très longues années. À peine 24h étaient passées et même maintenant, Désirée Weller-Smith n'en revenait toujours pas.

Jamais cette lumière s'éteignant ne quitterait son esprit.
Pas plus que cette bouche marquée éternellement d'un sourire malsain, de ce corps rougit par son propre sang et torturé.

Marshall.D.Teach était mort.
Et bien qu'il l'ait amplement mérité, l'infirmière brune n'arrivait pas à retirer cette scène de son esprit. Parce que quand elle le voyait lui, elle voyait tous les autres.

Elle voyait les corps sans vie de son père et de sa belle-mère, celui de son ancien fiancé pour qui elle avait fini par perdre la flamme.
Et pire que tout, elle se voyait elle. Ces deux prunelles noires et grises éternellement ouvertes sur le ciel pleureur, le visage figé dans la mimique ridicule de la mort. Puis se joignait à elle ceux que toujours, elle avait protégée. Deux jeunes adolescents aux visages floues qui devaient désormais être de jeunes gens, de tout nouveaux adultes près à découvrir le monde et à le conquérir.

Pourtant dans ses délires, ils étaient morts à ses côtés.
Car si elle mourrait, ils tombaient avec elle.

Ses mains tremblèrent.
Comme depuis les dernières heures.

La brune tenta de prendre une grande inspiration pour se calmer, sans aucun résultat.
C'était ainsi. Elle avait craqué. Cette vision rongeait son esprit et son corps qui avait si bien tenu la cadence lors de ces dernières semaines, ces dernières années ; avait finit par abandonner le navire. En témoignait bien son dérapage de la veille.

Elle avait vomi sur le pont jusqu'à s'en bruler les entrailles, jusqu'à ce que ses yeux soient si rougis par les larmes qu'elle soit presque incapable d'ouvrir les paupières. La pluie avait fini par se taire, la laissant démunie ; dans l'impossibilité de noyer sa douleur ou de se faire oublier.

Tout lui avait parut floue, son esprit seulement occupé par cet unique œil sombre qui voyait la mort au bout du chemin, par ce craquement osseux, par ce corps percutant la surface infinie de la mer déchainée du Nouveau Monde.
Mais il lui semblait bien que des gens étaient passés pour s'assurer de son état, que des personnes autres que Vista s'étaient trouvés derrière son dos. Or lui, lui n'avait pas bougé d'un pouce.

Ces mains n'avaient jamais quittées ses épaules. Sa voix ne s'était jamais tut. Sa présence ne s'était jamais effacée.
Puis quand elle s'était presque affalée sur ce sceau, vidée de tout sentiments et force, le ventre vide et douloureux il avait finit par lui parler vraiment. À elle. Pas juste une voix qui s'oubliait entre ses vomissements et sa douleur, sa folie.

Et Désirée avait vu à travers ce brouillard asphyxiant ce qu'il voulait vraiment lui prouver.
À quel point elle comptait pour lui. Toute son inquiétude, tout son amour.

La brune n'avait pas tout comprit. Et elle n'avait pas ouvert la bouche non plus, se contentant de le fixer depuis son monde propre que jamais personne ne pourrait comprendre, que jamais quiconque ne foulerait du pied.

Qu'est-ce que Teach lui avait fait ? Il avait apparemment insinué avoir tenté de l'agresser sexuellement. Qu'elle pouvait tout lui dire, qu'il voulait la soutenir. Qu'il l'aimait. Qu'il comprenait que cela la remuait mais que désormais, tout, tout était finit. Que ces deux semaines de cauchemar n'auraient plus jamais lieu.

Mon épée fleurieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant