30. Rouge sang

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Ce n'était qu'un cauchemar.
Un mauvais rêve.

Ces deux derniers jours ne pouvaient être que l'un de ces sombres songes, cachés derrière un voile de brouillard plus épais et solide que sa volonté.
Et cette pluie battante qui s'abattait sur le pont du Mobydick, rythmant le silence lourd de sens y régnant en était l'apothéose.

Désirée n'allait pas bien.
Oh bien sûr depuis que sa condition lui était revenue en pleine face par l'intermédiaire de cette ordure de Marshall.D.Teach, elle n'était pas au meilleur de sa forme. Mais au moins elle avait réussi à résister, ne serait-ce qu'un peu.

Elle avait gardé cet espoir au fond de son cœur, celui où ce monde rêvé se réalisait. Celui où elle pourrait se permettre d'aimer Vista sans chaines pour l'attacher, celui où elle serait enfin réunie avec son frère et sa sœur. Ce monde où cette épée de Damoclès n'était plus au-dessus de sa tête.
Où elle aussi, était humaine et comptait. Où elle avait son mot à dire. Un monde où elle pouvait vivre... tout simplement.

Or désormais ce n'était plus le cas. L'infirmière respirait bruyamment sous cette pluie battante, se moquant bien que les gouttes martèlent sa peau pâle, dégoulinant le long de son visage et de ses vêtements déjà gorgés d'eau.

Son haut collait, serrant sa poitrine en son sein ; comme pour mieux l'étouffer. Elle aurait dû avoir froid. Mal.
Pourtant la survivante de Teïre ne ressentait rien de tout cela. À vrai dire, elle ne ressentait pas grand-chose.

Elle était juste là.
Une boite vide que la vie avait quittée, observant par les plus immondes des fenêtres le monde qui s'agitait devant elle.

Car un traitre avait été attrapé.
Et aujourd'hui était le jour de son exécution. Or Désirée elle, savait de qui il s'agissait.

Cette idée n'avait pas quitté son esprit à partir du moment où l'une de ses cadettes était arrivée toute paniquée dans l'infirmerie juste après la tempête deux jours plus tôt. Ce ne serait pas mentir de dire que cela avait jeté un froid. Comment ça, un traitre ?... On ne trahissait personne sur ce navire, leur équipage était après tout une grande famille. Certes si grande qu'il était impossible de connaitre tout le monde et de s'entendre bien avec tous mais l'esprit lui, restait présent.

Or la vérité s'était imposée rapidement à tout le monde.
Et encore plus pour elle.

Parce que c'était elle, la traitresse. C'était elle qui pendant sept ans avait communiqué des informations sur cet équipage pirate au Gouvernement Mondial. Elle aussi qui avait vendu le nouveau commandant de la seconde flotte, cet enfant enflammé à ceux qui souhaitaient sa mort plus que tout.

Elle était coupable. Et pourtant elle n'était pas dans un cachot.
Alors l'autre alternative s'était rapidement présentée à elle, faisant naitre encore plus de panique.

Teach. Il ne restait que Teach.
Que ce pirate menaçant et dégoutant, qui avait fait renaitre cette peur maladive en elle. Or maintenant, elle était si terrifiée qu'il lui semblait bien ne pas la ressentir du tout.

Oui, elle n'était qu'un bloc de marbre sur le point de s'effondrer et qui pourtant, tenait debout. Elle était bien incapable de l'expliquer, que ce soit le pourquoi ou le comment. Mais Désirée avait tenue seule. Seule pendant deux jours, tel un spectre ; une morte-vivante sur le point de rendre l'âme, et qui pourtant respirait encore.

Presqu'aucun des commandants n'avait été vu durant ce lapse de temps, donnant seulement les plus urgentes des directives quand il le fallait, laissant l'immense machinerie qu'était le Mobydick fonctionner seule.
Tous savaient quoi faire ici, alors cette absence n'était pas un problème. Mais les pensées qu'elle faisait naitre en revanche, étaient d'une toute autre envergure.

Mon épée fleurieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant