34. C'était elle

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- Tu es vraiment sûre qu'il n'y a rien de plus, Vista yoï ?

- Pour la millième fois, oui.

- Non mais parce qu'on n'a strictement rien trouvé de plus que-

- Je connais encore l'étendue de sa garde-robe !

Seul le silence répondit à l'exclamation agacée de Vista, lâchée avec toute la contenue qu'il était encore capable de s'imposer. Et cela, ses frères semblèrent l'avoir compris.

Alors ils s'échangèrent un regard certes, mais gardèrent le silence.
Car Thatch et Marco avaient conscience d'en demander beaucoup à leur camarade, dont la dernière semaine avait été toute sauf plaisante.

Et ce long soupir épuisé qu'il poussa, s'asseyant sur son lit en les observant faire en était la parfaite illustration. L'épée fleurie enfuit sa tête entre ses deux mains abimées par ses années de vie en mer et d'art de l'épée.
Sa moustache avait grandement perdue de sa superbe, retombant pauvrement sur son visage au lieu d'être dressée alerte, vers l'inconnu. Désormais, quand il se regardait solitairement dans cette glace, il ne voyait plus qu'un homme fatigué. Et complètement perdu. Seuls ses gestes faisant désormais partis de lui, ceux qu'il répétait depuis des années de navigation, parvenaient à le maintenir à la surface.

Alors chaque matin il se levait, il faisait semblant. Il mettait ses gants blancs, impeccablement. Coiffait ses boucles brunes qu'il entretenait de moins en moins bien. S'habillait enfin de son éternelle combinaison bleu nuit, assortissant le tout de son habituel couvre-chef.
Lui qui ombrageait ses prunelles sombres, pour que personne ne puisse deviner ce qui s'y tramait. D'habitude il s'ouvrait facilement aux autres, à sa précieuse famille, à ces hommes envers qui il se dédicaçait entièrement, envers cet aimant Père... mais maintenant, tout était tellement plus compliqué, par Roger.

Un chuintement de tissu.
Et l'utilisateur de Kraken releva le visage, faisant face encore une fois à cette dure réalité.

Les commandants des 1ères et 4èmes flottes s'étaient invités dans sa cabine privée pour procéder à une dernière fouille, comme ils le disaient si bien. Une qui consistait simplement à s'assurer qu'aucun indice supplémentaire n'avait été laissé dans les plis des vêtements de Désirée Weller-Smith.
La traitresse. Celle qui six mois durant avait été sa compagne. Et d'ailleurs à ses yeux, elle l'était toujours.

L'unique personne à qui il avait tout montré, qu'il avait aimé de toutes ses forces, celle avec qui quelque part en lui, des plans d'avenir s'étaient construits.
Des plans où il devenait père et s'en retournait toujours dans les bras de sa roseraie.

Or tout avait volé en éclats. Déjà lors de l'exécution de Teach, après deux jours sans qu'il ne l'ait vu, il l'avait trouvé changée.
Rien d'étonnant puisque lorsqu'il l'avait vu, sa tête était plongée dans un sceau sur ce pont battu par l'eau, des larmes de douleurs pointant aux coins de ces prunelles plus belles que la vie elle-même. Un savant mélange de grisaille et de sombreur.

Il s'était inquiété comme un fou, restant à ses côtés près de deux longues heures jusqu'à ce qu'enfin, son estomac se soit calmé.
Puis il avait pris sur lui, et malgré ses larmes et hurlements, il avait fait ce qu'il se devait d'être fait. Soit lui éviter une mort par hypothermie, la nettoyer et lui faire prendre une bonne nuit de sommeil reposante, tout contre lui.

Déjà à ce moment-là, il l'avait senti. Cette cassure sur laquelle il ne pouvait mettre le doigt.
Ce dernier petit indice qu'il lui manquait pour enfin, compléter l'agencement des pièces qui étaient apparues les unes après les autres.

Oui sa roseraie ne lui avait pas tout dit. Elle l'avait prévenue.
Dès le départ.

Alors certes, le monde s'était effondré quand Marco avait lu la lettre apportée par certains de leurs espions positionnés à la frontière de leur territoire, une un peu trop facilement récupérée d'après leur dire, et à la vue de l'importance de son contenu. Quand ces premiers mots avaient été le nom de la femme que tous, savaient qu'il aimait comme un grand fou. Quand la presque entièreté de ses frères n'avaient pût s'empêcher de se retourner vers lui.

Mon épée fleurieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant