chapitre 4

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 ̴ Desch ̴

Silence

Quatre jours, quatre jours que je m'occupe de ce mec, dont je n'arrive même pas à retenir le prénom.

Aujourd'hui encore je rentre dans sa chambre sans dire un mot, parce que de toute façon il ne me répond pas et puis parce qu'il finit par me faire peur !

Quand je suis avec lui il ne décoche pas un mot et se contente de nous fixer, moi et mes moindre faits et gestes.

Je m'avance vers lui et pose mon équipement sur la petite table de sa chambre, à côté d'un petit livret.

Je lui amène ses pilules et ses cachets et me retourne, je tombe face à l'énorme pan du mur qui fait face à son lit, et aperçois des dizaines de petits papiers à carreaux collés à la patafixe.

Première fois que je les vois, en même temps, depuis une semaine, je n'ai pas vraiment observé sa chambre, les yeux rivés sur le sol à part pour lui tendre ses médocs. Je crois que c'est la première fois depuis une semaine que je relève la tête quand je suis dans cette pièce.

Mes yeux sont captivés par ces petits papiers. Certains sont inscrits de petites citations, et d'autres de partitions de musique que je suis incapable de lire.

« Faudrait que t'apprennes à lire une partition mon chou »

Pincement au cœur. Je me concentre sur les citations. Il y en a une qui revient tout le temps, enfin, souvent.

« Dans la solitude le solitaire se ronge le cœur ; dans la multitude, c'est la foule qui le lui ronge »

J'arrache l'un des papiers avec cette citation du mur pour le la lui montrer.

- C'est de toi ? c'est vraiment... Beau.

Aucune réponses, encore, ça commence à m'agacer.

Je m'apprête à raccrocher le petit post-it mais une main m'arrête, une grande et belle main. Elle saisit doucement mes doigts et me prends la feuille des mains pour la retourner.

A l'arrière il y a un nom. Friedrich Wilhelm Nietzsche. L'auteur de cette belle phrase.

Je lève les yeux vers mon patient et, pendant une fraction de seconde, j'ai l'impression qu'il va parler. Mais il se détourne, lâchant l'emprise qu'il avait sur mon poing et retourne se cloîtrer dans sa maison de silence, son lit blanc et fade.

Cette fois j'ai vraiment cru que j'allais enfin entendre le son de sa voix. Mais quelque chose l'a bloqué au dernier moment, réduisant mes minces espoirs en vulgaires poussières, sur lesquelles il a soufflé.

Je finis mon travail avec lui et sors de sa chambre, non sans lui lancer un dernier regard.

Pourquoi il ne veut pas me parler ? J'ai été poli avec lui depuis le début -enfin presque- ... ça m'effraye, mais en même temps ça attise ma curiosité.

A la fin de mon service, à vingt heures passé, je m'apprête à sortir du hall d'entrée quand une voix nasillarde fait grésiller l'air.

- Desch ! Attend moi, je sais que tu m'a entendu !

J'accélère le pas, joueur, mais une main se pose sur mon épaule.

-Mec ! T'es un peu un bâtard à faire le sourd alors que ton pote t'appelle !

-Ah oui ? Pour moi je sortais juste du travail et mon collègue le plus détestable a commencé à m'emmerder.

Je rigole légèrement et mon collègue, Rodrik, me donne un coup de coude amical : on était dans la même classe en école d'infirmier et par un hasard de dingue on a postulé au même endroit et on a tous les deux été pris !

On continue notre chemin et les portes automatiques s'ouvrent pour nous laisser sortir dans la nuit glaciale. Plus ça va plus les jours deviennent froids, je ne suis pas loin de ressortir mon bonnet en laine et l'écharpe tricotée par ma grand-mère. Ah oui c'est vrai, je n'en ai pas.

J'arrive à hauteur de ma voiture et Rodrik s'adosse dessus.

- C'est trop nul, mon étage est super vide depuis que Céline est partie en congés, elle aurait pu faire un effort !

- Mec, je crois qu'être enceinte est une bonne excuse pour manquer le taf non ?

Il me fait une grimace en tirant sur sa cigarette électrique.

- Comme si. Je ne sais pas pourquoi tu continues de la défendre en plus ! C'est à cause d'elle que tu te coltine le muet de la chambre de la chambre 112 !

je roule les yeux, si puéril comme comportement. Mon ami souffle un nuage de fumée goût pomme et, voyant que je ne réagit pas à son commentaire, se sent obligé de me préciser que ses propos sur Céline étaient pour blaguer.

-Avec Céline il parlait ?

- De qui ?

Je roule les yeux.

- Chambre 112.

- Ah lui. De ce qu'elle m'a dit, non. En même temps s'il est là c'est qu'il a un problème, vaut peut-être mieux pas qu'il parle.

Alors il n'a pas parler depuis son arrivée, depuis quatre mois ? Comment c'est physiquement possible ? Perso je ne pourrais pas. Maintenant une autre question me taraude, pourquoi ne dit-il plus un mot ?

Est-il vraiment malade ? Pour l'avoir côtoyé un minimum de temps, il ne semble pas être atteint, il ne ressemble pas aux autres habitants de l'hôpital, il ne ressemble pas à ces âmes confuses et perdues, non, il a juste l'air meurtri.

Je reviens dans le monde réel quand Rodrik me donne une tape sur l'épaule pour me dire bonne soirée et s'éloigne, j'entre dans ma voiture et m'en vais.

****

Allongé sur mon lit, mon laptop ouvert sur mes genoux, Netflix sur l'écran et un énorme bol de saloperies sucrées dans les bras. Dure journée, j'ai bien le droit à une consolation non ?

Je pioche dans mes bonbons et les fourre dans ma bouche. Un épisode, deux épisodes, trois épisodes. La nuit est déjà bien entamée quand mon téléphone s'allume brièvement. Un message.

Je le chope sur ma table de chevet et le déverrouille d'un doigt pour cliquer sur la notif sans vraiment faire attention.

Je freeze. Non, non, non.

Je me crispe autour de mon cellulaire

****

-Nexter-

Coucou mon petit Desch, comment vas-tu ?

Je n'ose pas répondre, je n'en ai pas l'envie, ni la force. Pourquoi il me contacte ?!

-Nexter-

Je sais que tu as vu mon message, tu me prends pour un con ?

Putain non ! Je ne veux pas le mettre en colère, pas encore, il faut que je réponde.

-Desch-

Je suis là ...

-Nexter-

Tu vois quand tu veux tu peux être un bon garçon

-Desch-

Qu'est-ce que tu veux ?

-Nexter-

Un grand frère n'a même plus le droit de prendre des nouvelles de son cadet ?

****

Non Nexter, tu le sais aussi bien que moi, on est bien plus que des frères, malheureusement.

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Voilà ! un autre chapitre, j'espère qu'il vous plaira ! ( ou plutôt qu'il vous à plu), n'hésitez surtout pas à me donner vos avis, à bientôt, 

La bise !

Light in the darknessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant