~ Desch ~
Pain
Je marche, I'm think i'm ok , de Machine Gun Kelly , dans les oreilles, et je laisse le monde autour de moi s'évanouir.
Plus d'arbres, plus de bancs, plus de couples enlacés, plus d'enfants qui sourient à leur parents. Plus rien. Juste la musique, juste les paroles.
J'ai pris des congés, deux semaines, comme tous les ans à cette période de l'année. Trop de souvenirs à canalisés pour travailler. Trop de larmes ont déjà couler en public, alors les autres je les garde pour moi.
Le froid me mord le visage et mes mains sont bleues. Comme tout le temps en hiver. Foutu syndrome de Raynaud.
Je laisse le paysage défilé le long de mes pas, et je regarde devant, même si tout mon être me crie de me retourner. Non, ça n'arrivera plus.
J'arrive devant chez elle. Je me retourne et regarde autour de moi. Rien n'a changé, sa petite maison, son jardin et son balancelle sous le porche de l'entrée. Je la vois encore avachie dedans, me faisant signe, avec son sourire radieux et me dire de me rapprocher.
J'entre dans la cour et déambule. Des moments de mon enfance me reviennent en mémoire :
Nous faisant de la balançoire, nous faisant une bataille d'eau les jours d'été, nous, allongés dans l'herbe mouillée de la rosée du matin, à regarder le ciel et refaire le monde.
Et maintenant il ne reste que moi.
Ses yeux dans les miens, ses mains dans les miennes, sourire accroché aux lèvres. Tout ça me manque. Mais je ne peux rien changé. Trop tard.
Je m'assois sur l'une des chaises en fer noir posées dans le jardin. Comme si elle était toujours là, qu'elle allait revenir, qu'elle était partie temporairement.
Une partie de moi espère que c'est le cas, qu'elle va passer le petit portillon et sautée dans mes bras, rigolant comme une petite fille.
Mon téléphone sonne. Pas envie de répondre. Je suis occupé.
La porte d'entrée s'ouvre sur un visage que je connais bien.
- Oh...Bonjour Desch...
- Bonjour madame Randal...
Je lui souris doucement et elle s'assoit à côté de moi, elle sait ce que je ressens, on a perdu la même personne.
Je lève le regard vers le ciel, bleu, comme tous les ans ce jour-là, comme si lui aussi il célébrait son anniversaire.
Madame Randal attrape mes mains et les serre dans les siennes, toutes ridées.
- Tu sais, c'est vraiment gentil de ta part de venir tous les ans pour la voir...
- Non. C'est normal. C'est ma meilleure amie.
- Desch...on en a déjà parlé...
- Oui on en a déjà parlé. Ne reprenons pas ce débat inutile et douloureux s'il vous plait...
- Comme tu voudras, mais tu sais ce que je pense n'est-ce pas ?
- Oui, je sais.
Plus un mot, on se contente de regarder autour de nous, sa présence nous apaise, c'est vrai, c'est ma meilleure amie, et je me sens un peu responsable de son sort... même si sa mère me dit d'arrêter d'y penser et de « faire mon deuil », c'est plus fort que moi, je n'arrive pas à me sortir son visage de la tête, son rire résonne dans mes oreilles tous les jours et je ne peux rien y faire, et pour être franc je n'ai pas envie que ça s'arrête, j'ai envie de continuer à vivre comme ça, pour me souvenir d'elle et de son magnifique minois d'ange.
Madame Randal me propose un café, que j'accepte en lâchant légèrement ses mains pour la laisser se lever.
C'est avec une tasse de thé à la camomille que je reprends la parole.
- Comment va Adèle ?
La vieille dame plonge son regard dans sa tasse et fait tournailler sa cuillère à l'intérieur.
- Je ne la comprends plus et je pense que c'est la même chose pour elle, elle a perdu sa moitié tu sais...
- Oui, je sais qu'elle était très proche...et je sais aussi que...ce qui est arrivé à beaucoup affecté Adèle...
- Elle ne dort plus à la maison, passe son temps dehors et ne me donne jamais de nouvelles, je crois que ça fait plus de deux mois qu'on n'a pas eu une conversation elle et moi...
- Je comprends que ça doit être douloureux...
- C'est plus que douloureux Desch. Avec ce qui est arrivé je n'ai pas perdu un enfant...mais deux.
Sa voix craquelle à la fin de sa phrase et elle détourne le regard pour me cacher l'eau qui commence à déborder de ses yeux sur ses joues.
Je la laisse pleurer, et je passe mon bras autour de ses épaules pour qu'elle puisse se laisser aller, je ne sais que trop bien la douleur d'affronter la vie sans une épaule sur laquelle s'appuyer.
Elle laisse toutes les larmes de son corps s'écouler, sanglotant sans retenue, et ça me brise encore un peu plus le cœur, je transpose le visage de madame Smith sur la femme que je tiens à présent dans mes bras.
La sexagénaire blottit sa tête dans mon cou, le visage déformé par le désespoir, et je lui caresse les cheveux, ses boucles me rendant la tâche un peu difficile.
Je lui tends un mouchoir et elle essuie ses larmes et se mouche.
- Excuse-moi de m'être emporter comme ça, mais en ce moment c'est un peu compliqué, j'ai l'impression de ne plus rien contrôler du tout...
Je souris et la serre un peu plus dans mes bras avant de m'écarter.
Cette femme est forte, je sais qu'elle arrivera à dompter cette vie qui lui fait la misère,
Mais moi,
Je suis tout sauf fort et courageux, je suis même totalement l'inverse, le maillon faible.
Je me lève et madame Randal fait de même, on se sourit une dernière fois et elle rentre à l'intérieure de la maison. Je ressors du petit jardin et retourne dans mes songes.
Je refais le trajet inverse, de la même manière, le monde à encore disparu.
Après deux heures dans le froid, j'arrive à ma destination finale de la journée, j'avais peur de revenir ici, comme tous les ans, mais le paysage me persuade toujours de rester, et de m'asseoir sur le seul petit banc.
Autour de moi, des arbres, nus, mais remplis de souvenirs. En été, cet endroit est magnifique, recouverts de couleurs, des millions de fleurs, de trèfles, d'animaux sauvages et de joie de vivre, tout comme elle.
Quand on continue de marcher encore un peu, on arrive dans une clairière, en été, verte et splendide, en hiver morte et froide.
Je contemple cette nature mise en pose et je sors de mon sac mon carnet et mes crayons, sans oublier mon fusain.
Je prends une page blanche et laisse ma main se balader sur le papier, reproduisant presque à l'identique la vue que j'ai devant moi, son visage, lui, se balade dans mon esprit, tous les détails de son visage me reviennent en tête. Les larmes inondent finalement mon visage et ma vision, ainsi que mon support.
Les traits de fusain bavent et mon ouvrage ne ressemblent finalement plus à rien, défiguré et sans dessus-dessous, comme mes pensées, se noyant dans la nostalgie.
Je reste assis là, seul, pendant des heures, et je sais que je vais revenir demain, et le jour d'après, mais j'en ai besoin, ça me conforte dans l'idée que je n'y suis pour rien, même si j'y suis pour quelque chose.
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coucou ! j'espère que ce chapitre vous a plu aussi ! que de mystère !
A bientôt pour un nouveau chapitre !
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Light in the darkness
RomanceD'apparence, Desch a tout d'un jeune homme banal, infirmier lambda dans une clinique psychiatrique, il passe inaperçu. Personne ne soupçonne l'enfer qu'il a vécut étant plus jeune est c'est bien mieux comme ça, moins on le voit, mieux il se porte. ...