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Le soir, Nina n'eut pas à préparer de dîner. Personne n'avait faim. Le déjeuner dégusté au Four Seasons, aussi copieux que savoureux, offrait aux quatre le luxe de se passer de manger avant la nuit. David proposa d'aller plutôt prendre un verre dans un bar branché du centre de Philadelphie qu'il fréquentait de temps en temps, notamment quand il voulait rencontrer discrètement des confrères journalistes ou des personnes qui lui fournissaient des informations pour ses articles. Paul et Joseph acceptèrent l'invitation de l'Américain avec un plaisir non dissimulé. Nina, en revanche, se montra peu emballée par cette idée et s'excusa avec un sourire gêné :

- Vous ne m'en voudrez pas si je ne suis pas de la partie ? De toute façon il faut bien que quelqu'un veille sur la petite. Je vais rester ici avec elle.

- Pas de souci mon amour, lui répondit David. Je comprends. Je pense qu'Eva t'a déjà beaucoup manqué cet après-midi, n'est-ce pas ?

- Tu devines juste, chéri. Tu me connais bien...

- Ce sera donc une sortie entre hommes ! plaisanta Joseph.

- Ben oui, renchérit son gendre. Je vais chercher la voiture et je vous emmène !

- Ça roule ! lâcha Paul pour marquer son approbation.


Une demi-heure plus tard, les trois complices se retrouvèrent confortablement installés au fond d'un saloon du vingt-et-unième siècle au décor cosy. Tout y invitait à la détente : un éclairage très léger, une musique d'ambiance offrant un fond sonore discret et propice à la discussion ainsi qu'un personnel aux petits soins.


David commanda une bière. Joseph opta quant à lui pour un whisky et Paul décida de goûter un cocktail maison aux couleurs improbables. La conversation tourna d'abord autour de la petite Eva avant de porter sur les dernières catastrophes climatiques relayées par les écrans de télévision disposés ça et là sur les murs du bar. Les trois hommes, tout en sirotant leurs consommations, échangèrent leurs opinions sur les calamités qui s'abattaient aux quatre coins de la planète : des inondations gigantesques en Asie et même dans quelques pays d'Europe, les incendies qui ravageaient le sud de la France, l'Espagne, le Portugal, l'Italie, la Californie, l'Amazonie et d'autres contrées. Sans parler des volcans qui se réveillaient, des séismes qui faisaient trembler des pans entiers de la croûte terrestre ou encore des tempêtes dévastatrices, des tornades ainsi que des cyclones dont les victimes se comptaient par centaines.


Au bout d'un moment, le fil des échanges conduisit Joseph à remercier à nouveau Paul pour son invitation au superbe déjeuner pris quelques heures plus tôt dans l'un des restaurants du palace Four Seasons de Philadelphie. David formula aussi des mots gentils à ce sujet et le jeune Français en eut les joues qui rougirent, sans que l'on puisse vraiment déterminer si cela était dû à l'alcool contenu dans son cocktail ou à la gratitude exprimée à son endroit par son père et son beau-frère pour le repas du midi. Puis, sans que Paul ne s'en rende compte au début, ses deux compagnons de sortie l'entraînèrent sur le terrain d'un moment qui les avait intrigués pendant le déjeuner : celui de l'appel téléphonique de grand-mamie Claire. Le piège ne tarda guère à se refermer sur le chef de rang du George V. Quand il réalisa que les deux autres essayaient de lui tirer les vers du nez, il lui était devenu impossible de leur raconter une fable sans leur donner l'impression qu'il les prenait pour des imbéciles. Paul ne voulut surtout pas prendre ce risque et finit par tout révéler à Joseph et David. Il leur fit le compte-rendu des événements jusque dans leurs moindres détails, depuis les premières confidences de son arrière-grand-mère à la maison de retraite de Lille jusqu'à son coup de téléphone reçu alors qu'ils se trouvaient au restaurant.

Le quatrième secret de soeur LuciaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant