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C'était la deuxième nuit que Paul passait dans cette cave sordide. Tout ce qu'il savait sur l'endroit où celle-ci se trouvait se réduisait au pays dans lequel on le retenait contre son gré : le Portugal. Il ignorait totalement le lieu exact de sa détention.


Les agents de la DGSE avaient mis un matelas à même le sol dans un coin de la pièce. Le chef de rang du George V prenait ses repas assis dessus et y dormait quand il parvenait à trouver le sommeil.


Ce matin-là, dès l'aube, la femme qui essayait de lui tirer les vers du nez fit irruption dans le sombre local, flanquée de son collègue conducteur de la Mercedes et d'un autre homme que Paul voyait pour la première fois. Un grand costaud au visage fermé, avec une moustache mal taillée. Il tenait quelque chose dans sa main droite, que le jeune prisonnier, pas encore tout à fait réveillé, identifia comme étant un morceau de tissu de couleur noire. Il était armé d'un pistolet, comme l'autre agent secret.


La cheffe d'équipe s'avança et déclara, sur un ton péremptoire :

- Excuse-nous si on t'a réveillé, bonhomme, mais j'ai reçu des instructions de Paris : on doit te libérer, même si t'as rien voulu nous dire. T'as de la chance parce que si ça tenait qu'à moi, tu serais pas sorti d'ici avant d'avoir parlé. Mais je peux te dire que tu vas regretter d'avoir fait ta tête de mule. Si tu nous avais permis de récupérer ce putain de papier, c'est nous qui aurions eu les agents des autres services secrets à nos trousses. Et nous, on est armés pour faire face à ça. Dans tous les sens du terme. Tandis que toi, tu l'es pas. Et c'est toi qui vas les avoir sur le dos. Et tu te rendras vite compte que c'est pas des rigolos. Quand ils t'auront attrapé pour te cuisiner, ça sera autre chose et tu risques de supplier pour qu'on vienne te chercher. Mais ça sera trop tard, mon garçon !

- Vous essayez encore de m'effrayer... toujours la même tactique. Je vous ai déjà dit que ça marcherait pas pourtant, persifla Paul.


Cette réplique acheva d'user la patience de la gradée de la DGSE qui, en guise de réaction, fit un signe du menton au baraqué moustachu. Celui-ci s'approcha alors de l'impertinent qui eut un mouvement de recul sur sa couche. Il commençait à se redresser, prêt à se débattre, quand l'espionne lui lança en haussant le ton :

- Calme-toi ! Tu n'as rien à craindre. Il va juste te bander les yeux pour pas que tu voies où tu étais retenu quand on va quitter le bâtiment.


Du coup, Paul se détendit et se leva en décidant de se laisser faire. Le grand type déroula l'étoffe qu'il tenait en arrivant, la plaça devant les orbites de l'otage et la noua en serrant assez fort. Puis il enveloppa la tête entière avec un sac de toile de manière à créer une cécité complète. Il termina sa besogne en menottant les mains du captif derrière son dos.


Paul entendit la matrone ordonner aux deux autres : « c'est bon. Vous pouvez y aller ! » Elle ajouta aussitôt : « et toi gamin, fais gaffe. Tu risques gros. Peut-être qu'on se reverra... si t'es encore vivant. »


Le jeune Parisien sentit qu'on lui empoignait le bras gauche avec la délicatesse d'un ours. Il comprit qu'on le traînait hors de ce qui avait été sa cellule. Dans une totale obscurité, guidé sans ménagement par les deux agents secrets, il perçut qu'on lui faisait monter des escaliers aux marches plutôt hautes. Puis il dut arpenter ce qu'il supposa être un ou plusieurs couloirs avant de respirer enfin à l'air libre à travers le textile qui entourait son visage et gênait ses inspirations. Il discerna le bruit de cailloux sous leurs pas et devina quelques mètres plus loin que ses gardes l'obligeaient à grimper dans un véhicule, possiblement à l'arrière d'une camionnette. On le poussa pour qu'il s'asseye et il décela qu'un des gars restait avec lui pour le surveiller tandis que l'autre avait sans doute pris le volant. Une impression que le bourdonnement assourdissant d'un moteur confirma quelques instants plus tard.

Le quatrième secret de soeur LuciaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant