Un épouvantable orage déchirait le ciel de Washington DC. Au nord-ouest de la capitale américaine, à Langley, il ne tombait pourtant pas la moindre goutte de pluie. C'était plutôt à l'intérieur du vaste bâtiment abritant le siège de la Central Intelligence Agency (CIA) que régnait une atmosphère électrique, due aux multiples guerres et conflits qui agitaient la planète et qui donnaient du fil à retordre aux spécialistes du renseignement extérieur des États-Unis.
Dans son bureau, le directeur de la célèbre Agence attendait l'arrivée de son subordonné en charge du « renseignement humain », une direction plus connue sous le nom de National Clandestine Service (NCS) regroupant les agents assurant des missions secrètes (et souvent illégales) à l'étranger. Celui-ci avait sollicité un rendez-vous au sujet d'un dossier qu'il prétendait sensible et de la plus haute importance. En réalité, le directeur de la CIA savait déjà de quoi il s'agissait dans les grandes lignes, mais cette histoire lui semblait aussi nébuleuse qu'incroyable et il se félicitait que le responsable du NCS vienne lui apporter des précisions qui le mettraient sans doute en mesure de donner ses instructions.
Le chef du puissant Service National Clandestin se présenta pile à l'heure convenue. Son patron lui fit signe de s'asseoir. Il n'ignorait pas qu'il avait affaire à un homme bourru avec lequel il valait mieux aller droit au but. C'est donc ce qu'il fit :
- Je vous remercie de me recevoir, monsieur, car ce dossier dont j'ai déjà eu l'occasion de vous parler rapidement pourrait bien s'avérer vital... pour le pays et aussi pour... l'avenir de l'humanité tout entière.
- Eh bien, vous n'avez pas peur des mots, mon cher ! rétorqua le big boss de la CIA avant de demander : « mais dites-moi plutôt comment vous avez appris l'existence de cette lettre dans laquelle la voyante survivante de Fatima aurait soi-disant écrit la vérité sur le troisième secret confié en 1917 par la Vierge-Marie ? »
- C'est un de mes cadres administratifs qui m'a alerté confidentiellement, monsieur. Il se trouve qu'il est franc-maçon et que son oncle, qui l'est également, fréquente une loge de Philadelphie où il habite. Il y a entendu une conversation entre deux « frères », en salle humide, comme ils disent. L'un d'eux est journaliste à Philadelphie. Il est marié à une Française et racontait que le jeune frère de celle-ci, prénommé Paul, lequel vit à Paris où il est serveur dans un grand restaurant, avait reçu pour mission de récupérer cette fameuse lettre qui aurait été planquée en l'an 2000 par la sœur Lucia dos Santos. Probablement dans le but de la rendre publique.
- Mais qui lui aurait confié cette « mission » ?
- Je l'ignore, monsieur. Mais il semblerait, d'après les confidences entre maçons qui m'ont été rapportées par mon collaborateur, que ce document écrit de sa main par Lucia de Fatima contiendrait... la date et une description de... la fin du monde.
- Vous rigolez ? fit le directeur de la CIA en fronçant les sourcils, comme pour signifier qu'il n'aimait pas qu'on lui fasse perdre son temps.
- Non monsieur, on n'a pas l'habitude de plaisanter au Service National Clandestin, rétorqua l'autre en simulant un air offusqué. J'ajoute que le service de renseignement extérieur français, la DGSE, est déjà sur le coup.
- Ah bon ?
- Oui, depuis que nous les avons sollicités pour avoir des informations sur ce jeune serveur du George V qui veut mettre la main sur le manuscrit.
- C'est pas très malin, ça ! reprocha le numéro un de la CIA. C'est vous qui leur avez filé le tuyau, du coup.
- Si on veut, monsieur, mais on avait besoin d'eux. Et puis, la France est quand même un pays ami...
- Si ce putain de document renferme réellement la date de la fin des temps, il n'y aura plus d'ami qui compte, mon vieux, vous le savez bien. L'État qui sera en possession d'une telle information détiendra un pouvoir considérable. Il aura un ascendant sur toutes les autres nations !
- C'est certain, monsieur.
Le patron du renseignement extérieur américain se cala sur son siège à roulettes et contempla un moment le plafond. Il réfléchissait. Après quelques instants il toisa le responsable du NCS et lui livra ses directives :
- Après tout, on n'a rien à perdre. Je ne sais pas si votre histoire est sérieuse mais je ne veux pas prendre le risque de passer à côté de quelque chose qui pourrait se révéler essentiel pour les États-Unis. Vous allez donc mettre les agents clandestins de votre choix là-dessus. Si cette lettre de cette sœur Lucia existe, j'exige que vous mettiez la main dessus avant qui que ce soit. C'est bien compris ?
- Oui, monsieur.
- Et je veux que vous me teniez personnellement informé des événements.
- Ce sera fait, monsieur.
Le big boss se leva, ce qui voulait dire que l'entretien était terminé. En se redressant à son tour, le chef du Service National Clandestin ajouta une dernière chose :
- Ah, j'oubliais, monsieur... Le journaliste de Philadelphie, le beau-frère du jeune Français... son père est un ancien sénateur... et il est un ami intime du président.
- Du président de quoi ? s'étonna le directeur.
- Du président des États-Unis, monsieur.
On entendit une mouche voler. Puis le directeur de l'Agence s'exclama, sur un ton peu amène :
- Et vous ne me dites ça que maintenant ! Pour votre peine, vous me tiendrez informé sur ce dossier quotidiennement !
- Bien, monsieur.
Quand il sortit du bureau de son supérieur, le patron des agents secrets clandestins de la CIA sursauta. Il réalisa qu'il venait d'entendre un puissant coup de tonnerre.
L'orage se déchaînait à présent sur Langley.
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Le quatrième secret de soeur Lucia
Mistério / SuspenseUne histoire passionnante de 62 chapitres à retrouver ici à partir du samedi 13 janvier prochain puis chaque samedi à 13 heures. Paul, 25 ans, chef de rang dans un prestigieux palace parisien, menait une vie tranquille avec son compagnon, Chadi, un...