L'avion venait d'entamer sa descente vers l'aéroport de Lisbonne. Assis à côté de Chadi qui visionnait un film sur son téléphone portable, Paul contemplait à travers le hublot le spectacle qu'offraient la côte portugaise et l'océan qui, quelques milliers de mètres plus bas, se rencontraient tels deux amants sous un ciel radieux.
Mais les yeux du jeune homme n'exprimaient aucune joie. Son regard divaguait tandis que son esprit lui rappelait les instructions de sœur Lucia transmises par son arrière-grand-mère lors de leur dernier échange téléphonique, qui provoqua ce départ pour le Portugal. Les paroles de grand-mamie Claire résonnaient encore dans sa tête : « Mon poussin, tu dois aller à Coimbra. C'est dans le carmel de Santa Teresa, où elle a vécu et où elle est morte, que Lucia m'a dit avoir dissimulé son quatrième secret, cette lettre qu'elle a écrite à la fin du mois de juin 2000, au lendemain de la prétendue publication de la mystérieuse troisième révélation que la Sainte-Vierge avait faite aux trois enfants de Fatima en 1917. Il te faudra trouver un moyen d'entrer dans ce couvent et d'y rencontrer une religieuse carmélite qui était la plus proche amie de sœur Lucia, sa confidente. C'est elle qui te permettra de récupérer le précieux document. Notre Seigneur veut que par la suite, le moment venu, tu le montres aux hommes afin qu'ils se repentent et changent leur comportement pendant qu'il est encore temps. Faute de quoi la colère divine s'abattra sur eux et détruira le monde. Quand tu auras réussi à pénétrer dans le carmel de Coimbra, tu devras donc te débrouiller pour voir cette nonne. Tu demanderas sœur Marie-Ana. Lucia m'a dit qu'elle ne s'appelle pas comme ça en réalité. C'est un nom d'emprunt. C'est pour sa sécurité, pour la protéger. Mais elle se reconnaîtra quand quelqu'un la demandera sous ce nom. Et elle réagira, elle comprendra qu'il s'agit de la personne envoyée par Lucia. Tu n'oublieras pas, mon poussin, hein ? Sœur Marie-Ana ! Quand tu seras en possession de la lettre, tu rentreras en France et tu la mettras en lieu sûr en attendant de nouvelles instructions. Surtout, n'en fais pas de copie, ne la photographie pas avec ton téléphone. Et sois prudent mon petit, fais bien attention à toi. Demande à Chadi de t'accompagner pour ce voyage. Tu auras besoin de quelqu'un qui comprend et parle le portugais... »
Une légère secousse assortie d'un bruit sourd extirpa Paul de ses pensées. Le train d'atterrissage venait de s'extraire des entrailles de l'Airbus. Revenu à la réalité, il chassa de son cerveau les propos de son arrière-grand-mère et se tourna vers son compagnon. Il constata que celui-ci ne regardait plus son film et avait rangé son i-phone. Une hôtesse de l'air passa dans l'étroit couloir de la cabine pour vérifier que les ceintures des passagers étaient bouclées et leur tablette relevée. Le regard du jeune Arabe croisa celui du Français qui esquissa un timide sourire. La présence de Chadi à ses côtés rassurait beaucoup Paul et elle constituait à ses yeux une preuve d'amour. Si l'illustre palace parisien qui l'employait avait accepté, en ce mois de juillet, qu'un chef de rang parmi d'autres prenne plus tôt ses congés d'été initialement prévus pour le mois d'août, les choses furent plus compliquées pour le Marocain, cuisinier dans un établissement de taille bien plus modeste. Mais Chadi n'aurait jamais laissé son « âme-frère » partir en solitaire, sans aucune aide, vers le pays de naissance de sa mère, pour une aventure pouvant se révéler périlleuse. Il fit donc l'impossible pour obtenir quelques jours de vacances que son patron lui accorda finalement de mauvaise grâce.
Les deux garçons ne ressentaient pas le besoin de se parler à cet instant. Ils se comprenaient au premier coup d'œil. Et puis une stricte discrétion s'imposait. Une poignée de minutes plus tard, l'avion épousa la piste de l'aéroport international de Lisbonne en faisant frissonner sa carlingue.
Quand ils en eurent fini avec les formalités de douane et après avoir récupéré leurs bagages, Paul et Chadi se mirent en quête du véhicule de location qu'ils avaient réservé par Internet avant de quitter la France. Le loueur de voitures contrôla leur identité, leur permis de conduire et leur fit signer quelques papiers avant de leur remettre la clé d'une Renault de gamme moyenne. Les deux jeunes hommes voulaient circuler dans une automobile passe-partout, la plus banale possible. Leur interlocuteur de la compagnie de location leur annonça qu'elle serait de couleur blanche, ce qui leur convenait très bien. Paul n'ouvrit pas une seule fois la bouche, laissant Chadi gérer les échanges dans un portugais impeccable.
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Le quatrième secret de soeur Lucia
Mystery / ThrillerUne histoire passionnante de 62 chapitres à retrouver ici à partir du samedi 13 janvier prochain puis chaque samedi à 13 heures. Paul, 25 ans, chef de rang dans un prestigieux palace parisien, menait une vie tranquille avec son compagnon, Chadi, un...