Sur toute la surface du globe, c'était comme si la nature devenait folle. Certaines espèces de végétaux ne poussaient plus et disparaissaient. Des milliers de familles animales ne parvenaient plus à éviter leur extinction. Parmi les bêtes qui survivaient encore, nombre d'entre elles adoptaient des attitudes étranges jamais observées auparavant et que les spécialistes n'expliquaient pas. Ainsi avait-on repéré des moutons qui se mettaient à marcher en tournant en rond durant des heures sans raison apparente ou encore des multitudes de fourmis faisant de même, et ce dans divers pays, des États-Unis à la Chine en passant par la Russie et l'Australie.
David, mandaté par plusieurs médias de Pennsylvanie, dont une chaîne de télévision locale, prit l'avion pour Los Angeles d'où il devait débuter un périple à travers la Californie aux quatre coins de laquelle on signalait ce type de comportement ahurissant au sein de la faune de l'ouest américain. Il voulait mener une enquête approfondie et réaliser un reportage au plus près du terrain sur ces phénomènes qui posaient question.
Le journaliste de Philadelphie débarqua dans l'aérogare de la cité des anges avec un masque sur le nez. Les virus mutaient et se multipliaient à une vitesse exponentielle partout sur la planète, provoquant de plus en plus de décès. On recensait les morts par millions depuis quelques mois.
À peine sorti du terminal, alors qu'il s'apprêtait à prendre un taxi, David eut une drôle de sensation. Il sentit le sol trembler sous ses pieds. Puis tout s'enchaîna très vite. Il vécut en quelques minutes - qui lui parurent des heures interminables - ce qu'il n'aurait jamais pu imaginer dans ses pires cauchemars : il vit l'imposant bâtiment qu'il venait de quitter vaciller avant de s'écrouler dans un vacarme assourdissant, ce qui généra un immense nuage de poussière. Le quarantenaire se mit alors à courir le plus vite possible, délaissant sa valise sur le parking de l'aéroport. Il comprit ce qui arrivait : un séisme se déclenchait et commençait à déchirer une grande partie de la Californie.
Pendant sa course éperdue, David assistait à des scènes indescriptibles : l'asphalte qui craquait puis s'écartelait tout autour de lui, des véhicules automobiles projetés à des dizaines de mètres de distance, des objets de toutes sortes qui volaient avant de s'écraser sur ce qu'il restait de la voirie, sur une construction elle-même en train de se fissurer ou pire, sur une ou plusieurs personnes qui, comme lui, tentaient de s'enfuir pour échapper à ce chaos mortifère.
Il vit des corps écrabouillés, d'autres démembrés ou déchiquetés. Tous ensanglantés. Il vit plus de sang couler en quelques instants qu'il n'en avait vu jusque-là en quarante ans de vie. Il continuait à courir, sans réfléchir, en essayant de faire abstraction des images d'horreur que ses yeux captaient malgré lui.
David fuyait de toutes ses forces. Il fendait l'air à toutes jambes, à en perdre haleine. Comme s'il voulait quitter l'enfer. Comme si le mouvement pouvait lui éviter un coup fatal. Autour de lui jaillissaient des hurlements, des cris de détresse, des gémissements de douleur. Ses oreilles les percevaient et les transmettaient à son cerveau qui divaguait dans un état second.
Soudain, il se rendit compte que la terre ne bougeait plus. Alors il s'arrêta. Il entendait encore des pleurs à proximité et, au loin, plusieurs sirènes d'ambulances. Essoufflé, en sueur, il posa les mains sur ses genoux pour reprendre sa respiration puis se redressa et regarda autour de lui. Tout n'était que désolation. Il découvrait un spectacle inimaginable, digne de l'apocalypse. Sa seule satisfaction était de constater qu'il avait miraculeusement survécu à ce terrible tremblement de terre. Sa stratégie, décidée en une fraction de seconde dès la première secousse, fut sans doute la bonne : gagner très rapidement une zone éloignée de tout édifice et dépourvue d'arbres ou d'objets susceptibles de le blesser.
David redoutait qu'un tsunami survienne et il ne s'attarda pas sur l'aire aéroportuaire dévastée, d'autant que l'océan se déchaînait non loin de là. Il se fraya un passage entre les décombres et marcha à vive allure dans l'espoir de se réfugier sur une hauteur, en un lieu que d'éventuelles puissantes vagues ne pourraient atteindre. Il progressait depuis un moment le long d'une route à peu près préservée quand un minibus ralentit et stoppa devant lui. Le chauffeur actionna l'ouverture de la porte et cria :
- Montez monsieur ! On met tout le monde à l'abri.
Le journaliste jeta un œil à travers les vitres du véhicule et vit une quinzaine de rescapés. Quelques-uns souffraient de contusions. Tous les visages exprimaient un abominable effroi.
David grimpa dans le petit car en se disant qu'il se retrouverait en sécurité plus rapidement qu'en poursuivant son chemin à pied. La suite des événements lui donna raison : après avoir contourné Los Angeles ravagée, en allongeant son trajet pour éviter les voies de la mégapole totalement ou à demi détruites, le providentiel autobus des services de secours déposa ses passagers dans un gymnase situé dans une banlieue relativement épargnée par le cataclysme, sur les hauteurs culminant à quelques kilomètres de la city. Ce fut un effroyable spectacle qui défila devant les yeux du reporter de Philadelphie tout au long de l'itinéraire de cette évacuation : des immeubles entiers écroulés, deux maisons sur trois rasées, une quantité impressionnante de voitures retournées, des incendies un peu partout et des corps inertes qui gisaient ça et là. Après chaque virage, les occupants du bus avaient eu droit à une nouvelle scène apocalyptique. David ne put s'empêcher – réflexe professionnel oblige – de prendre des photos avec son téléphone, le seul de ses effets personnels qu'il détenait encore (parce qu'il se trouvait dans l'une des poches de son pantalon lorsque la première secousse se fit sentir après sa sortie du terminal de l'aéroport.)
Dès son arrivée avec ses compagnons d'infortune dans la salle de sport où une collation et une trousse de toilette furent distribuées à tous, le Pennsylvanien appela Nina avec son portable pour la rassurer. Par chance, il y avait du réseau et les ondes passaient. Quand son épouse décrocha et qu'elle entendit le son de sa voix, elle éclata en sanglots. L'infirmière, restée à Philadelphie avec leur bébé, Eva, évacuait d'un seul coup l'immense stress qui la tenaillait depuis qu'elle avait appris la sinistre catastrophe qui secouait l'ouest des USA. Une fois apaisée, elle mit son mari au courant de ce qu'il ignorait jusque-là : Los Angeles n'était pas la seule ville touchée. San Francisco déplorait la destruction des deux tiers de ses habitations et de ses équipements de voirie. De multiples autres agglomérations de cette partie occidentale des States subissaient un sort analogue. Nina ajouta que les télévisions américaines parlaient d'un premier bilan faisant état de plusieurs centaines de milliers de morts et de disparus. Elles attribuaient cet épouvantable cataclysme aux fameuses failles de San Andreas qui causèrent déjà dans le passé d'importantes catastrophes sismiques. Mais aux dires des experts, celle-ci promettait d'être la plus meurtrière de l'histoire du pays et sans doute du monde. On s'attendait à des bilans ultérieurs revus à la hausse risquant d'atteindre le million de victimes, voire davantage.
Avant de clore la communication, David demanda à Nina des nouvelles de leur petite Eva puis il annonça sa décision de rentrer dès qu'il le pourrait, quitte à rejoindre par n'importe quel moyen un autre état dont l'aéroport fonctionnait normalement.
Le documentaire sur les animaux qui tournaientinexplicablement en rond allait prendre du retard...
VOUS LISEZ
Le quatrième secret de soeur Lucia
Mystery / ThrillerUne histoire passionnante de 62 chapitres à retrouver ici à partir du samedi 13 janvier prochain puis chaque samedi à 13 heures. Paul, 25 ans, chef de rang dans un prestigieux palace parisien, menait une vie tranquille avec son compagnon, Chadi, un...