Le quatrième secret de soeur Lucia

1.

« La Très Sainte Vierge ne m'a pas dit que nous sommes dans les derniers temps du monde, mais je l'ai compris. »

Sœur Lucia,

lors d'un entretien avec le père Fuentes en 1957,

40 ans après que la Vierge-Marie lui soit apparue à plusieurs reprises à Fatima, au Portugal, alors qu'elle était âgée d'une dizaine d'années.

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En cette fin d'après-midi de juin, un vent inhabituel soufflait fort sur Paris. De violentes bourrasques s'infiltraient dans les rues et les ruelles. Ces dernières années, les gens disaient que la nature était de plus en plus capricieuse, qu'il n'y avait plus de saisons, que le temps semblait « détraqué ». Doux euphémismes à en juger par le nombre impressionnant de catastrophes naturelles qui s'abattaient avec une fréquence accrue depuis au moins une décennie sur la France et partout ailleurs dans le monde.

À deux pas des Champs-Élysées, l'avenue George V se réduisait à un vaste courant d'air. La tempête déviait même le vol des quelques pigeons qui osaient la survoler. Devant la façade du célèbre palace de cette artère de la capitale française, un voiturier faisait de son mieux pour tenter de se tenir droit malgré les rafales, tandis qu'une élégante cliente, tout juste sortie d'une luxueuse berline, maintenait son chapeau coloré sur sa tête à l'aide d'une main tandis qu'avec l'autre, elle serrait contre elle un chien pas plus grand qu'un écureuil. Elle s'engouffra dans l'hôtel sans demander son reste.

Au même moment, Paul, jeune chef de rang de l'un des restaurants du prestigieux établissement, sortit de l'immeuble et se dirigea d'un pas rapide, en dépit du vent contraire, vers la station de métro la plus proche. Âgé de 25 ans, mince et de grande taille, passionné par son métier et très attaché à ce lieu privilégié dans lequel il l'exerçait, Paul donnait entière satisfaction à des employeurs pourtant exigeants et ne recueillait de leur part que louanges. Il venait de terminer son service et en descendant les marches du métro il avait le cœur joyeux. Car le lendemain et le jour d'après il était en congés. Il voulait rentrer sans tarder parce qu'il devait préparer son sac de voyage.

Dans moins de deux heures il lui faudrait être à la Gare du Nord d'où un TGV l'emmènerait à Lille. Le jeune homme devait y passer la nuit dans un hôtel avant de retrouver le lendemain matin son arrière-grand-mère dans cette maison de retraite qu'il connaissait bien. Paul l'adorait et il se réjouissait à l'idée de la revoir. Elle lui avait téléphoné la semaine précédente en insistant beaucoup pour qu'il vienne lui rendre visite. « Ne me fais pas trop attendre, tu sais que je suis vieille et j'ai quelque chose de très important à te dire » lui avait-elle confié à l'autre bout du fil, ce qui ne cessait de l'intriguer depuis. Qu'elle fût « vieille », comme elle le disait elle-même, c'était indéniable : Claire – c'était son prénom – naquit un beau jour de 1917 dans la capitale des Flandres et son centième anniversaire semblait déjà loin. Aux yeux de Paul, son arrière-petit-fils préféré, elle n'en finissait tellement plus de vieillir qu'elle n'avait pas d'âge ! Que voulait-elle lui révéler de si essentiel ? Il n'en savait fichtre rien.

En sortant de la bouche de métro des « Abbesses », en contrebas de la butte Montmartre, Paul constata que la météo ne s'arrangeait pas : voilà que maintenant la pluie s'ajoutait au vent. Des trombes d'eau qui tombaient du ciel en tourbillonnant et qui lui claquaient sur le visage. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, le jeune chef de rang du George V fut trempé. « Décidément, les éléments se déchaînent, une fois de plus » pensa-t-il.

Paul accéléra sa marche. Tandis qu'il s'approchait, au milieu des rafales qui le giflaient, du petit appartement de la rue Berthe dont il était locataire avec son compagnon, Chadi, il se demandait si celui-ci serait déjà rentré du travail. En espérant que oui, parce qu'il voulait vraiment lui dire au revoir avant de partir pour Lille.