Le poids-lourd et sa cargaison d'oranges passèrent d'Espagne en France sans le moindre problème. Par précaution Chadi s'était caché dans la remorque pour franchir la frontière mais il n'y eut aucun contrôle entre ces deux pays de l'Union Européenne. À Tanger au Maroc, avant l'embarquement sur le ferry pour la traversée du détroit de Gibraltar, le jeune clandestin vécut un moment de frayeur lorsque deux douaniers marocains jetèrent un œil au chargement depuis la double porte arrière du camion. Mais heureusement ils ne poussèrent pas le zèle jusqu'à écarter les palettes et les caisses de fruits. Ils ne détectèrent donc pas la présence du fugitif.


Le voyage sur les routes espagnoles s'était ensuite déroulé sans incident.


Après avoir roulé quelques centaines de mètres sur le territoire français, le semi-remorque s'arrêta. Chadi, blotti entre deux piles de cartons, savait que l'oncle de Lahcen avait garé son imposant véhicule sur le côté pour venir le libérer et lui permettre de le rejoindre à l'avant, dans la cabine.


C'est effectivement ce qui se produisit. Dès que les deux hommes furent de nouveau installés côte à côte derrière le large pare-brise, le chauffeur-routier remit le contact et l'énorme bahut s'ébranla sur l'asphalte.


Le tonton de Lahcen s'appelait Youssef. Cramponné à son volant comme une moule au rocher il ne quittait pas la circulation des yeux. Chadi avait tout de suite sympathisé avec lui. Ils discutaient sans cesse, toujours en arabe. Deux minutes après avoir redémarré, Youssef proposa à son passager :

- Et si on faisait une halte à Hendaye pour casser la croûte ? Qu'est-ce que t'en penses ?

Chadi, qui ressentait un réel soulagement d'être enfin revenu en France, s'empressa d'accepter :

- Très bonne idée ! Et ça tombe bien parce que j'ai faim.

- Alors on fait ça ! Je connais un petit resto, un routier où la bouffe est bonne et pas chère. Tu m'en diras des nouvelles. J'y mange toujours quand je fais le trajet de Casablanca à Paris.


Moins d'un quart d'heure plus tard, les deux Marocains sirotaient une boisson fraîche en guise d'apéritif à la terrasse ombragée du restaurant recommandé par Youssef à l'entrée d'Hendaye. Il était treize heures vingt et la charmante commune côtière du Pays basque affichait une température de trente-huit degrés.


En attendant leur commande – une copieuse salade garnie pour chacun – Chadi et son bienfaiteur consultaient leur portable. Le jeune cuisinier parisien se rendit sur l'application d'une chaîne d'infos. Une « alerte » dont le titre scintillait en rouge le fit sursauter. Il se tourna vers Youssef et s'écria :

- T'es au courant toi du gigantesque tremblement de terre qui s'est produit à Najran en Arabie saoudite ?

- Non. Ça doit pas remonter à très longtemps ?

- Non en effet... je lis ici que ça s'est produit il y a à peine une heure. Mon Dieu c'est affreux ! Ils parlent déjà de centaines de milliers de morts. Il paraît que l'intensité du séisme est extrêmement forte. Ils disent qu'il ne reste plus rien de la ville de Najran et de ses environs. Ils craignent des répliques. Le pays voisin, le Yémen, serait touché également mais les sites d'infos n'en savent pas plus pour le moment.


Youssef se mit à lire à son tour les notifications relatives à l'actualité sur son mobile :

- Ah oui dis donc... les premières images sont effrayantes. C'est une catastrophe de très grande ampleur apparemment...

Le quatrième secret de soeur LuciaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant