L'Italie étouffait sous un soleil de plomb et aux quatre coins du pays les pompiers luttaient contre une multitude d'incendies, comme dans la majorité des contrées d'Europe. À peine un foyer était-il maîtrisé qu'un autre se déclenchait. Un véritable cauchemar.
La capitale, Rome, survivait asphyxiée par la pollution et des températures encore plus élevées que l'été précédent qui fut pourtant déjà caniculaire.
Au cœur de la ville aux sept collines, la cité du Vatican n'échappait pas aux excès d'un climat détraqué, comme devenu fou. À deux pas de la place Saint-Pierre et de la basilique du même nom, dans sa bibliothèque privée du palais apostolique, le pape affichait un visage sombre, celui des mauvais jours. Certes, il souffrait de la chaleur, mais celle-ci n'expliquait pas à elle seule l'expression tourmentée du saint-père. Ce qui le préoccupait vivement résultait de la conversation qui se déroulait depuis environ une heure entre lui et le cardinal Francesco Rossi, l'un des membres les plus influents de la curie, le « gouvernement » de l'Église catholique.
Les deux hommes, assis face à face, se connaissaient depuis longtemps. Le cardinal Rossi, un Italien sachant profiter des grands et des petits bonheurs de la vie, âgé de soixante-dix-huit ans, ne les paraissait pas. Ventripotent, il arborait une fière allure dans sa soutane pourprée. Ses lunettes rondes semblaient noyées dans la peau flasque de sa figure boursouflée. Le souverain pontife n'ignorait pas que derrière ce physique rondelet qui pouvait laisser croire à une certaine bonhomie se cachait en réalité un dignitaire habile susceptible de s'avérer manipulateur en fonction des objectifs qu'il poursuivait.
Sous le sceau de la plus extrême confidentialité, le cardinal venait de livrer au successeur de Saint-Pierre le compte-rendu de tout ce que lui avait raconté un jeune séminariste français prénommé Louis, une de ses relations personnelles.
Le chef suprême des catholiques affichait un teint blême, presqu'aussi blanc que l'habit dans lequel il transpirait. Il gigota sur son siège et demanda à Rossi :
- Et vous êtes sûr que ce garçon qui s'est ainsi confié à vous n'est pas susceptible d'affabuler ?
- Je réponds de lui comme de moi-même. Il est fiable, cela ne fait pas l'ombre d'un doute ! J'ai eu tout le loisir de cerner sa personnalité depuis longtemps : je l'ai quasiment vu naître. Il est le petit-fils d'un de mes amis d'enfance, qui a quitté l'Italie pour aller faire sa vie en France après avoir rencontré une jolie fille de ce pays. Il l'y a épousée. J'étais présent à ce mariage. Louis est l'aîné des petits-enfants de ce couple.
- Dans ce cas nous nous trouvons dans une situation délicate, pour ne pas dire grave... voire gravissime.
- C'est également mon avis et c'est la raison pour laquelle je m'en suis ouvert sans délai à votre sainteté.
- Puisque vous êtes si proche de ce séminariste, je pense que vous devriez en profiter pour lui demander de vous faire rencontrer ce jeune homme dont l'arrière-grand-mère reçoit les visites et les confidences post-mortem de sœur Lucia.
- Je vais essayer...
- Il vous faudra y parvenir... car je n'ai pas besoin de vous expliquer pourquoi il est absolument vital d'entrer en possession de cette lettre écrite par Lucia avant qui que ce soit d'autre. Vous savez aussi bien que moi qu'il est hors de question qu'un tel document soit rendu public. Si la véritable signification du troisième secret de Fatima y est révélée, cela peut signer la fin de l'Église !
- Je sais... vous pouvez compter sur moi, rassura le prélat à la robe rouge. Je mettrai en œuvre tous les moyens dont nous disposons pour que vous soyez la première personne à lire le manuscrit de Coimbra.
- La première et la dernière ! martela l'évêque de Rome, qui enchaîna : « cette affaire est une priorité absolue. Vous devez faire appel aux espions de notre Sapinière sans hésiter. Il est évident que cette opération va nécessiter des actions qui devront être menées à l'étranger. Voyez cela avec le cardinal secrétaire d'État et l'instance dédiée de notre gendarmerie vaticane. Je leur confirmerai mon feu vert. »
- Très bien. Je m'en occupe immédiatement. Notre service de renseignement créé au seizième siècle par votre lointain prédécesseur Pie V va avoir ici l'occasion de relever un défi à la mesure de sa réputation.
- Oui... sa réputation auprès des initiés, car comme vous le savez, officiellement nous n'avons aucun appareil de renseignement au Vatican.
- Cela va sans dire, approuva le cardinal Rossi en adressant un clin d'œil à son célèbre interlocuteur.
Le pape se leva et rajusta sa soutane blanche,signifiant ainsi à son vis-à-vis la fin de l'entretien. Le membre éminent de lacurie romaine prit congé en se courbant dans le plus parfait respect duprotocole. Sitôt sorti du palais apostolique, il salua les gardes suisses enfaction qui restèrent impassibles dans leur uniforme aux couleurs de bâton desucre d'orge. Puis il passa devant la tour Nicolas-V et prit à pied ladirection des locaux de la gendarmerie du Saint-Siège. Il n'y avait pas uneminute à perdre. Il fallait mettre les services secrets du Vatican sur le coupséance tenante et les lancer dans la course contre la montre.
VOUS LISEZ
Le quatrième secret de soeur Lucia
Mystery / ThrillerUne histoire passionnante de 62 chapitres à retrouver ici à partir du samedi 13 janvier prochain puis chaque samedi à 13 heures. Paul, 25 ans, chef de rang dans un prestigieux palace parisien, menait une vie tranquille avec son compagnon, Chadi, un...