Chapitre 3

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Amaya

Il m'arrive de me demander si je ne voudrais pas faire de ma passion au garage un métier à plein temps.

J'y pense sérieusement jusqu'à ce que la réalité me rattrape. Mon père rêve tellement de me voir étudier, même si ce n'est qu'une courte période se concluant par un diplôme. Il a toujours voulu m'éviter le plus de problèmes de la vie et il s'est dit que les études me permettraient un avenir stable, même s'il fait sûrement fausse route.

Je ne peux pas le décevoir.

Et puis ça ne me dérange pas tant que ça. Si je décroche un diplôme de commerce ou de gestion ça m'aiderait dans les affaires du garage, je pourrais rendre cet endroit phénomènal et incontournable.

En gros, finir ma vie au garage est prévu de toutes façons. Ce n'est qu'une question de temps et d'organisation.

Deux bonnes semaines se sont écoulées depuis que Draken m'a confiée la bécane de son pote le malpoli. J'ai terminé les travaux il y a quelques jours et il faut dire que ces révisions tombaient à pic, s'il avait conduit avec une moto dans cette état plus longtemps ça se serait très mal terminé pour lui. Les freins auraient lâché.

Draken est censé venir la chercher aujourd'hui. Je l'attends avant de fermer, ce soir je vais chez mon père.

Ça faisait un moment que je n'étais pas allée le voir, il faut dire que c'est pas évident de trouver un juste milieu entre mes parents. Ma mère est une personne assez possessive, jalouse et impulsive, elle a pris un sacré coup quand mon père l'a quittée. Du coup elle cherche à me garder pour elle, dans le but de l'empêcher de me voir et c'est compliqué de...s'extirper.

Mon père est conscient de la situation et ne m'en tient pas du tout rigueur. C'est déjà ça, même s'il me demande à chaque fois si je ne voudrais pas venir vivre avec lui.

– Ah, c'est ouvert aujourd'hui.

Cette voix fait naître en moi des envies de meurtres. Je fais rouler la planche et apparaît de sous la voiture pour le regarder entrer, admiratif de toutes les voitures présentes même s'il masque vite cette émotion.

J'aurais dû m'en douter, il est ami avec Draken alors les joujous de ce type ça doit l'emballer à fond.

Moi: Il est où Draken?
– Occupé, tu vas devoir te farcir ma présence.

Il ne peut décidément pas se passer de son sarcasme. Il s'appelle Inui, il me semble.

Je décide de passer au-dessus de ça, je suis d'assez bonne humeur aujourd'hui. Je ne vais pas l'agresser comme je l'ai fait la dernière fois.

Je passe dans la réserve et récupère sa moto que je fais rouler jusqu'à lui. Il nous regarde arriver jusqu'à lui sans dire un mot et me laisse ensuite expliquer ce que j'ai fait.

Inui: T'es douée.
Moi: Merci.

Mais ne reviens pas chez moi.

Bon, c'est quelque chose que je ne dirai pas par soucis professionnel.

Inui: C'était cool de ta part, merci.

Il me tend quelque billets avec un sac, sûrement les bonbons comme convenu.

Inui: J'espère que t'aimes les réglisses.

...plaît-il?

J'enfourne les billets dans ma poche et ouvre le sac avec un peu plus d'empressement que prévu, j'y trouve des bonbons en tout genre mais pas de réglisse en vue. Ça suffit à faire repartir mon cœur.

Lorsque je lève les yeux vers lui, je remarque les siens moqueurs.

– Il avait raison, les réglisses c'est ta hantise.
Moi: J'étais presque sûre que tu m'en amènerais pour me faire chier.

Il hausse les épaules et me tourne le dos, ses mains posées sur sa moto qu'il fait démarrer.

Inui: Ça m'a traversé l'esprit, un paquet de fois.

***

Le soir, je toque à la porte d'un appartement sur Roppongi.

C'est mon père qui m'ouvre et m'emprisonne directement dans ses bras.

Il est comme ça, oui.

Quand j'étais petite tous les enfants avaient peur de lui, aujourd'hui encore il est craint à cause de son corps athlétique -ce qui n'est pas commun chez tous les adultes à partir d'un certain âge- et ses airs de dur à cuire. J'ai cru comprendre que c'était un sportif dans sa jeunesse, mais ce n'est pas comme s'il était devenu vieux.

En réalité c'est un véritable papa gâteau qui aime prendre soin de ceux qu'il aime.

Lorsqu'il me lâche enfin et me laisse entrer, c'est Kana, sa nouvelle femme, qui m'accueille chaleureusement.

Kana: Enfin une présence féminine dans cette maison.

Je l'aime vraiment bien. Elle est douce, gentille, attentionnée et jolie. Je pensais que seule une ogresse pouvait donner naissance à des enfants comme Ran et Rindou, il semblerait que je me sois plantée.

Elle et moi nous sommes bien entendues dès le début, je n'ai pas eu besoin de me forcer elle est juste formidable et je suis bien contente que mon père soit tomber sur une femme de cette trempe.

Moi: Tic et Tac sont pas là?
Kana: Ils ne devraient pas tarder.

Comme je suis arrivée pile pour le dîner on n'attend pas pour s'attabler et commencer à manger. Les gars peuvent mettre deux minutes comme deux heures à arriver et on le sait bien.

L'ambiance est légère, on parle de beaucoup de sujets et on se met à la page de chacun. Mon père a reçu une promotion au boulot, ce qui permet à Kana d'alléger son temps de travail. Elle est coiffeuse depuis son adolescence et elle a dû mettre les bouchées doubles pour nourrir ses gosses après que leur père se soit barré. Elle a quelques séquelles physique, comme tout être humain exerçant un travail pénible mais ça devrait aller maintenant.

Leur situation se construit un peu plus chaque jour, il faut dire qu'en réalité mon père comme Kana sont encore super jeunes, ils sont sur le point d'atteindre la quarantaine et je trouve ça carrément inhumain.

Kana avait quasiment mon âge quand elle a eu Ran, et mon père m'a eu dans sa vingtaine.

La porte d'entrée claque bruyamment, c'est du Rindou tout craché.

Ran: Doucement avec la porte.
Rindou: Oh y'a des chaussures de poupée regarde.

Un soupir s'échappe de mes lèvres tandis que mon père et Kana se regardent, heureux que leurs enfants soient si "soudés". Ce n'est pas le mot, messieurs, dames, pas du tout.

Ran: Ah ouais, la poussette ne devrait pas être loin.
Rindou: Elle a sûrement été posée à côté pour que le sac à langer soit pas trop chiant à porter.

Ils arrivent enfin dans le salon et me cherchent du regard. Je prends soin de les regarder, blasée pour leur montrer que ça ne m'atteint pas, mais ça les amuse encore plus.

Quelques vannes plus tard ils se lassent et viennent enfin manger.

MécanoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant