Chapitre 2 - Dix ans avant l'incident

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Mes yeux suivaient attentivement le défilement des réverbères sur le bord de l'autoroute avant de se rabattre sur mes doigts. Les lumières orange conféraient une teinte noire à mon vernis à ongles pourtant rouge, cela me fascinait.

Mon grand frère, Maxime, activa le levier afin de signaler que nous quittions cette voie rapide. Tant mieux. Il était souvent bien trop distrait pour conduire selon moi. Malheureusement, c'était le seul à avoir le permis de conduire dans notre fratrie et donc, nous étions tenus de lui faire confiance si nous voulions nous déplacer sans nos parents.

Ma mère était parfois beaucoup trop gênante.

Je tiquai en remarquant que mon frangin n'avait pas pris la bonne route pour nous rendre au cinéma.

- Tu as loupé la sortie, lui fis-je remarquer.

Mon autre frère, Nathan, assis à la place du passager de droite, se retourna vers moi.

- On ne va pas au cinéma, annonça ce dernier.

Une boule d'inquiétude se forma au creux de mon abdomen, j'avais peur de ce qui allait suivre.

- On sort, ce soir, compléta Maxime.

C'était bien que ce que je redoutais. Je ne voulais pas sortir, je voulais aller au cinéma, moi. Mais comme toujours, je devais suivre et la fermer. Sauf que cette fois-ci, c'était mon anniversaire.

- Mais... tentai-je de protester.

Nathan me coupa la parole.

- Tu as de la chance, tu sais, n'importe quel ado de quinze ans rêverait d'être à ta place. Tu vas pouvoir boire et faire la fête pour ton anniversaire. Invite tes potes à nous rejoindre, tu iras au ciné un autre jour avec eux.

Eh bien... cela risquait d'être compliqué pour plusieurs raisons. Premièrement, je ne savais même pas où nous nous rendions si ce n'était que nous entrions dans le centre-ville de Mons. Deuxièmement, je n'avais pas d'amis. Ce qui signifiait que je ne verrais pas Les Gardiens de la Galaxie 2. J'avais envie de fondre en larmes. J'avais été bien naïve de penser que mes frangins voulaient vraiment me consacrer du temps et me faire plaisir pour ce qui devait être mon jour. La vérité était que notre mère les avait privés de sortie et qu'il avait tout simplement trouvé un bon prétexte pour sortir.

- Je ne veux pas y aller, protestai-je. Je veux aller au cinéma.

Maxime soupira tellement fort que je crus un instant qu'il n'aurait plus assez d'oxygène dans le corps pour survivre.

- Ne fais pas la gamine, Anaïs, tu vas adorer, tu vas voir.

Mais je ne voulais pas voir, je voulais passer la soirée avec mes frères et découvrir le nouveau Marvel. C'était ça que moi, je voulais.

- Je le dirai à maman.

Brusquement, Maxime déporta la voiture vers une entrée de garage. Le véhicule s'immobilisa et son conducteur se retourna vers moi.

- Tu ne diras rien sinon c'est la dernière fois qu'on t'emmène avec nous. C'est compris ?

Je pris ses paroles très au sérieux. Maxime n'avait pas pour habitude de me menacer, il ne plaisantait pas. Quant à moi, je ne pouvais pas me permettre de ne plus passer du temps avec eux, j'étais déjà très seule, alors si je les perdais, je perdais toute vie sociale.

J'acquiesçai donc non sans ronchonner dans ma barbe.

Nous nous garâmes finalement au parking qui se situait près de la Grand Place de Mons et avançâmes dans un café que je ne connaissais même pas avant ce soir : le Baratin.

Cœur meurtri ('Nombreux')Où les histoires vivent. Découvrez maintenant