Chapitre 21 - Cinq jours avant l'incident

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// Anaïs

- Je m'en veux d'avoir à te dire ça, mais j'ai vraiment besoin que tu termines la traduction de ce roman.

Alicia avait dû hésiter un millier de fois avant de me téléphoner pour me demander ça. Je la connaissais assez pour savoir que ce genre de requête lui coutait beaucoup. Il était difficile de gérer une amitié au travail et Alicia en faisait les frais aujourd'hui. Grâce à elle, j'avais pu faire du télétravail ces derniers jours et éviter ainsi de sortir de chez moi, ce qui n'était pas envisageable étant donné que j'avais décidé de vivre telle une ermite tant que je ne savais pas exactement ce qu'il en était de la situation de Ben.

- J'ai presque fini, je dois tout relire attentivement.

Son soupir de soulagement m'assourdit presque tant il était bruyant.

Les premiers jours après avoir reçu le coup de fil le plus horrible de toute ma vie, je n'avais pas bougé, pas mangé, ne m'étais pas habillée... bref, j'avais arrêté toute activité humaine. Mais après, j'avais dû me résoudre à bouger, travailler, me nourrir. Je ne pouvais pas me laisser dépérir alors que je n'étais pas certaine de ce qui était arrivé. Pas encore, donc.

- Merci, tu ne sais pas comme ça me sauve, m'expliqua-t-elle.

Je haussai les épaules, même si je savais que c'était ridicule puisqu'elle ne pouvait pas me voir étant donné que nous étions en appel téléphonique.

- J'ai fait mon job, tu n'as pas à me remercier, c'est à moi de te dire merci pour l'aménagement horaire.

Et je le pensais vraiment, même si ma voix était totalement inexpressive, voire monocorde, en le disant.

- J'imagine que tu n'en sais pas plus le concernant ?

De nouveau, je secouai la tête inutilement.

- Laure et Kadie sont sur place depuis bientôt deux jours et elles n'obtiennent aucune réponse claire. Elles attendent toujours qu'on leur dise où est Ben et si tout simplement ils le savent. Malone va prendre un avion ce soir pour remplacer Kadie qui doit rentrer à la maison pour leur petite fille.

J'entendis à travers notre appel quelqu'un sonner pour accéder au bureau de ma cheffe.

- Je suis vraiment désolée que tu doives subir cette attente. Mais... je dois te laisser, ma chérie, tu me tiens au courant, hein ?

- Promis.

Je raccrochai. Je n'avais plus la force pour les usages et la bienséance, tout ce que je voulais, c'était savoir comment il allait.


Je terminai ma journée de télétravail vers dix-neuf heures, me forçant à compenser les heures que j'avais perdues en début de semaine. Et puis, de toute façon, je n'avais pas réellement plus intéressant à faire.

Des coups résonnèrent à ma porte et je me dirigeai vers cette dernière en trainant les pieds. Je fus surprise d'apercevoir ma mère et Nathan à travers le judas. Lorsque je leur ouvris, maman tiqua en découvrant ma tenue : un jogging beaucoup trop large et un t-shirt du même gabarit, le tout noir. En réalité, c'étaient des vêtements que Ben avait oubliés chez moi un jour et qu'il n'avait jamais repris. Il disait qu'au moins, quand il viendrait, il aurait une tenue pour trainer toute la journée avec moi dans le canapé. Nous les avions faites une ou deux fois, ces fameuses journées canapé/télé. Mais peu de temps après, nous nous étions séparés pour de bon.

Des « pauses » dans notre relation, il y en avait eu un paquet, mais aucune aussi définitive que la dernière. Celle-ci, je savais qu'elle était irrémédiable, nous nous étions fait beaucoup trop de mal.

Cœur meurtri ('Nombreux')Où les histoires vivent. Découvrez maintenant