Prologue

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Je n'avais jamais pensé que quelqu'un me manquerait autant, que je ressentirais le vide de sa présence, que son absence me rongerait jour après jour, m'enlèverait miette de joie après miette de joie. J'aurais pourtant dû m'y attendre, il m'avait déjà tant pris, tant enlevé. À chaque fois que nos regards s'étaient croisés, c'était une partie de moi qui s'était perdue. Depuis tout ce temps... il ne restait plus rien de moi.

J'avais une bêtise, une énorme bêtise, même. Honnêtement ? C'était la plus grosse de toute ma vie, et pourtant, je ne la regrettais pas. Même en entendant ma maman pleurer, même alors que mon meilleur ami me suppliait d'ouvrir les yeux. Je ne pouvais pas revenir en arrière et je ne le voulais pas, car je le savais, un choix s'offrait à moi, à présent. Soit je décidais d'ouvrir les paupières et d'affronter la solitude de ma vie, soit je laissais ces fichues paupières closes et je me laissais me noyer dans la plénitude que m'offrait la morphine.

Je savais pertinemment de quoi j'avais l'air vue de l'extérieur. Je ressemblais à une petite fille de riche, pourrie jusqu'à la moelle qui avait le culot de se plaindre de sa petite vie tranquille. Oui, c'était en partie vrai et... en partie faux.

Je savais que j'avais toujours eu de la chance, j'avais été adoptée par des parents aimants et issus d'un milieu aisé, j'avais des frères incroyables avec moi et le meilleur ami gay le plus sexy, talentueux et célèbre du pays.

Pourtant, tout ça n'avait pas suffi à me rendre heureuse. Il me manquait quelque chose depuis toujours, une étincelle ou bien une flamme de bonheur, je n'en savais trop rien. J'avais cru la trouver à certains détours de ma vie, mais c'était une chimère, je l'avais réalisé quelques semaines plus tôt, ou alors, peut-être que je l'avais toujours su, mais que je n'avais jamais voulu affronter la réalité.

- Mantis, je sais que tu m'entends, j'en suis certain, ouvre les yeux, fais quelque chose, par pitié, fais quelque chose.

Lyam. Cette voix. Celle de mon meilleur ami, de ma personne préférée en ce monde. J'aurais voulu qu'il me dise autre chose, j'aurais préféré l'entendre rire et non me sortir cette supplication déchirante au possible. Je ne pouvais cependant pas me voiler la face. Si j'étais ici, un bip électronique faisant écho aux battements de mon cœur, ce n'était pas pour une raison légère ou futile. J'étais ici parce que j'avais fait quelque chose qui lui avait certainement brisé le cœur. J'avais été cruelle de lui faire revivre ça, mais n'étais-je pas cruellement égoïste dans le fond ?

Je n'accédai pas à sa demande, je ne bougeai pas. Un temps infini passa si bien que j'eus le sentiment qu'il devait être parti. Il n'en était rien. Lyam Lacombe était une personne tenace, on ne se débarrassait pas si facilement de lui.

- Ne me fais pas ça, Mantis... putain, non ! Tu ne peux pas me faire ça ! Je te l'interdis !

Lyam ne s'énervait jamais. Aussi, je me sentis davantage coupable de l'entendre perdre son sang-froid. Je ne pris toutefois pas de décision, pas encore, c'était beaucoup trop tôt, je n'étais pas prête à basculer d'un côté ou de l'autre. Et même si j'aimais Lyam de tout mon cœur, il ne suffisait pas à combler le vide que je ressentais jour après jour.

- Lyam, arrête, laisse-la reprendre des forces.

Ça, c'était la voix de Chris, le fiancé de Lyam et certainement l'amour de sa vie. Il n'y avait que lui qui était capable de faire réatterrir mon meilleur ami quand il partait trop loin dans ses délires. Malgré tout, j'avais l'impression que cette fois, son intervention ne serait pas suffisante.

- Lâche-moi Sunshine, il faut qu'elle se réveille !

Le soupir résigné de Chris se répercuta aux quatre coins de ce que j'imaginais être ma chambre d'hôpital.

Une autre voix que je ne connaissais pas encore résonna dans la pièce. Elle était douce et apaisante, un son agréable à entendre.

- Excusez-moi messieurs, mais la famille d'Anaïs est arrivée, vous devez lui céder la place.

Le ton désolé de la femme arriverait-il à convaincre Lyam ?

- Très bien, je ne reste pas loin, appelez-moi dès qu'elle se réveille.

Il n'y avait pas de doute dans cette injonction. Pour mon meilleur ami, ce n'était qu'une question de temps avant que je reprenne conscience. J'entendis vaguement l'infirmière bredouiller des paroles nuancées quant à mon état de santé et à l'espoir d'un éventuel réveil, mais ils quittèrent la pièce et seuls les bips électroniques et le silence m'enveloppèrent.

Je laissai mon inconscient engourdir mon esprit, peu désireuse d'affronter l'inquiétude de ma famille. 

Cœur meurtri ('Nombreux')Où les histoires vivent. Découvrez maintenant