Chapitre 13 - Dix-sept jours avant l'incident

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// Ben

Bamako était bien différente des villages que nous parcourions habituellement pour protéger la population. Dans les quartiers les plus riches de la ville, la vie était davantage à l'image de ce que j'avais toujours connu. Certaines personnes maitrisaient même le français, ce qui ressemblait à une petite délivrance. Pouvoir communiquer avec des personnes différentes de son équipe, c'était libérateur. Ici, on ne nous voyait pas comme des intrus, nous passions dans la masse sans être craints. Il fallait préciser que puisque nous n'étions pas en fonction, nous ne portions pas nos armes, cela devait faire toute la différence, en réalité.

Je restai un instant sous la pluie, tête inclinée vers le ciel et paupières fermées, avant de pénétrer dans l'ambassade belge. Je n'avais jamais été forcément fan de la pluie et pourtant, en Belgique, c'était plutôt habituel, mais là, je la voyais comme une bénédiction. Je la laissai chasser toute la chaleur que mon corps avait accumulée, tout cet ensoleillement que j'avais subi.

- Soldat, on entre.

Je secouai la tête, un sourire béat fiché sur mon visage dégoulinant de gouttes d'eau.

Nico soupira et tira mon bras de force, je le suivis sans protester et passai mes mains sur mes joues et mon front avant de ramener l'eau vers mes cheveux. J'exultai de bonheur grâce à ce simple geste.

Je laissai notre chef s'occuper des détails et suivis une jolie hôtesse qui nous indiqua une chambre destinée à notre groupe. Étant donné que nous faisions partie d'une mission de ravitaillement, nous avions le droit et la chance de dormir à l'ambassade.

Je suivis le chemin emprunté par tous mes compagnons – hormis Nico qui discutait toujours des détails avec un informateur – jusqu'à la porte de notre chambre. L'hôtesse d'accueil scruta un long moment en silence mon t-shirt blanc trempé. Je penchai légèrement la tête sur le côté et lui adressai un sourire charmeur. Les yeux de la jeune femme se baissèrent timidement et cette réaction timorée me rappela directement celle d'une autre. Une qui malgré nos différends me manquait énormément. J'étais vraiment trop con, mais oui, j'allais manquer une occasion incroyable de passer du bon temps.

- Je vais me reposer, à plus tard ?

La jeune femme à la peau noire ne cacha pas sa déception, mais opina et me pria de l'informer du moindre manquement à notre confort. En autre temps, je lui aurais signifié que vu les conditions auxquelles nous étions habitués, c'était un véritable palace ici, mais je m'abstins, car je lui avais fait de la peine et je me serais détesté de continuer à entretenir un jeu de séduction auquel je ne donnerais jamais suite.

Alors que mes compagnons pionçaient déjà et ronflaient aussi forts que des tracteurs, mon premier réflexe fut bien différent. Je branchai mon iPhone et attendis que la pomme croquée apparaisse. Pendant ce temps, je sortis une bière belge du petit frigo mis à notre disposition. Ce n'était pas la première fois que je dormais ici, aussi la connexion wifi se brancha instantanément. J'avais un paquet de messages de ma sœur sur tous les réseaux sociaux existants. Comme il n'y avait que deux heures de décalage, il devait être dix-sept heures. Je ne savais pas trop comment ma frangine organisait ses journées en ce moment et j'espérais ne pas la déranger. Je ne voulais pas que ma situation ne prenne toujours le dessus sur la vie de mes proches. Il ne fallut qu'une sonnerie pour qu'elle décroche et je n'eus pas besoin de me forcer à sourire, j'étais si heureux de la voir que je ne pouvais pas retenir un rictus joyeux. Elle, en revanche...

- Il s'est passé quelque chose ? m'enquis-je d'emblée.

Laure me fusilla de son regard d'azur, ce qui me fit comprendre que j'étais la cible directe de sa colère.

Cœur meurtri ('Nombreux')Où les histoires vivent. Découvrez maintenant