Cœur meurtri ('Nombreux')

Chapitre 15 - Quinze jours avant l'incident

// Anaïs

- Prends un papier et fais la liste ! m'ordonna Alicia

Je m'exécutai, encore étonnée par son apparition aussi soudaine dans mon bureau. Elle en avait le droit et même l'habitude, mais donner un ordre direct juste après avoir déboulé en me faisant sursauter, ça, c'était nouveau.

- Je suis prête, lui signifiai-je.

Elle faisait les cent pas dans mon petit espace de travail, j'étais réellement intriguée.

- Il me faut quelqu'un de : pas trop mal physiquement sans pour autant être forcément un canon, intelligent mais pas non plus quelqu'un de pompeux, avec le sens de l'humour, mais il ne faut pas que ça soit le style « blague à papa », un gars qui aime sortir et s'amuser sans être alcoolique – je n'ai rien contre, mais ça ne me semble pas idéal pour entamer une relation...

Je n'arrivais pas à suivre et d'ailleurs, le voulais-je vraiment ? La pauvre Alicia perdait totalement les pédales avec son obstination à trouver la perle rare. Chaque semaine, elle espérait tomber sur le bon autour d'une soirée, d'une virée, et chaque semaine, c'était la même désillusion. S'ils lui plaisaient, ils ne la rappelaient jamais et quand c'était l'inverse et qu'ils s'accrochaient à elle, elle leur découvrait toujours un défaut impossible à surmonter. Le dernier connu en date était celui qui lui avait fait croire qu'ils passaient la nuit chez lui alors que la pauvre mère du type était dans la chambre d'à côté pendant leurs ébats. Et d'après Alicia, elle était loin d'être silencieuse pendant l'acte.

- Il ou elle doit être gentil, mais avoir du caractère quand même hein, être bon amant sans non plus être adepte de trucs trop hardcores...

- Tu crois que cette personne existe ou tu vas l'invoquer lors d'une séance vaudou ? la charriai-je.

Le regard las qu'Alicia me lança me fit comprendre que l'heure n'était plus à la plaisanterie. Je me levai et la rejoignis pour l'étreindre. Nous faisions à peu près la même taille, nous n'étions pas des grands formats.

- Je sais bien que j'ai l'air d'être exigeante, mais je te jure que tout ce que je veux, c'est une belle histoire, même si elle ne dure pas ! Je veux connaitre le frisson de l'amour, le gout de la vraie séduction, la douceur de l'affection. C'est trop demandé ?

Je secouai la tête vivement.

- Bien sûr que non et tu le mérites amplement.

Elle soupira, véritablement attristée.

- Je suis une fille plutôt ouverte, pourquoi ai-je tant de mal à trouver quelqu'un ? Bon, j'ai quelques kilos en trop, ça, c'est sûr, mais...

Je la coupai à nouveau :

- Ne t'avise plus jamais de dire que tu dois changer pour qui que ce soit ! Tu es magnifique comme tu es, ce sont tous ces gens qui sont cons de ne pas avoir remarqué à quel point tu es formidable ! Je suis certaine qu'au bon moment, tu trouveras la personne qu'il te faut.

Après un long moment à tenter de l'obliger à dire qu'elle ne devait changer pour personne, nous nous remîmes au travail, le cœur chagriné pour l'une, le cerveau en ébullition pour l'autre. Je n'arrêtais pas de me dire que même si j'avais eu mon lot de peines et de souffrances dans cette relation avec Ben, je ne regrettais rien, car j'avais connu ce qu'Alicia tenait absolument à vivre. Le gout sucré des premiers baisers, le frisson des premières caresses, les promesses d'amour éternel en de simples regards brûlants, la fougue des nuits enflammées et puis... la violence de garder le secret.