Chapitre 31 - Deux ans avant l'incident

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// Anaïs

Le mordant de l'hiver ne quittait pas encore le mois de mars. J'avais enfilé une paire de gants empruntés à ma mère, sûrement composés d'une matière plus noble que ce que j'aurais acheté, quelque chose comme du cuir, sans doute. J'avais choisi dans ma garde-robe une robe sobre, noire, une que maman m'avait achetée et que je n'avais jamais portée. Des bas collants opaques ainsi qu'une longue veste me protégeaient de ce froid mordant.

Mes parents se tenaient plus loin, discutant à un volume respectueux avec un couple d'amis à eux. Lyam et moi marchions côte à côte dans l'allée caillouteuse du cimetière.

Depuis le début de la journée, Ben ne m'avait pas jeté un seul regard, mais de toute façon, voyait-il réellement autour de lui dans de telles circonstances ?

Son costume noir surmonté d'une veste de la même couleur accentuait la tristesse de son âme en cette journée sombre. Il était évident qu'il portait un deuil très lourd et sa sœur, Laure, était son parfait reflet au féminin. Tous deux s'étaient soutenus l'un à l'autre durant la messe funéraire, mais à présent, Kadie avait pris le relais au bras de la mannequin. Et Ben... eh bien, il était entouré de son meilleur ami, Malone, mais également d'une personne qui me faisait grincer les dents : Constance. La main de cette dernière traçait des cercles réconfortants dans le dos de ce grand blond qui faisait battre mon cœur, et Constance avait même parfois le culot de se hausser sur la pointe des pieds pour lui chuchoter ce que j'imaginais être des mots réconfortants. Je savais au fond de moi que ce que je ressentais était très mal, car étant données les circonstances, je ne pouvais pas en vouloir à Ben de ne pas la rejeter, mais le monstre de la jalousie ne cessait de creuser des sillons au fond de mes entrailles. J'en avais mal au ventre de la voir s'accrocher à lui comme si elle possédait un quelconque droit sur son cœur. Mais d'un point de vue totalement rationnel, je ne pouvais qu'admettre qu'aux yeux de tous, sa présence était beaucoup plus légitime que la mienne. Personne ici n'ignorait les liens forts qui s'étaient établis beaucoup plus tôt entre eux. Et si cette histoire était du passé dans les faits, des occasions aussi malheureuses avaient généralement le don d'effacer la distance qui s'était imposée entre deux personnes. Constance avait connu la mère de Ben, alors que moi, je ne l'avais jamais rencontrée.

- Je vois que mon père est venu, je vais le saluer, m'indique Lyam en s'éloignant à pas mesurés.

Évidemment, il pensait que nous n'étions là que par courtoisie, pour une question de formalité à l'égard de Ben. Lyam et lui ne s'étaient jamais entendus, mon meilleur ami ne faisait rien d'autre qu'accomplir un devoir social dicté par la bienséance. Moi, en revanche, j'en aurais crevé de ne pas être présente pour Ben en ce jour terrible, même si visiblement, il n'avait pas besoin de moi.

Cette réflexion me laissa un arrière-gout amer. Avais-je si peu de valeur à ses yeux pour qu'il ne ressente pas le besoin de ma compagnie en cet instant ? Non. Je devais arrêter d'être égoïste et de ramener tout ça à moi.

Alors que je regardais d'un peu plus loin des proches jeter quelques pétales sur le cercueil descendu en terre, des pas s'arrêtèrent près de moi. Je crus d'abord que c'était Lyam qui revenait, mais je fus étonnée de découvrir... Aleksander Nowak. Le danseur étoile en personne. Le type qui avait réussi à prouver qu'on pouvait être dans le monde du classique et faire le buzz sur les réseaux sociaux. Et tout ça sans rien faire de particulier, en étant juste lui, en étant incroyablement beau et inaccessible. Énormément de filles avaient un crush pour lui. Je n'en faisais pas particulièrement partie, mais je ne pouvais pas nier qu'il était extrêmement attirant. Avec sa musculature fine et dessinée, sa carrure droite et son port de tête bien haut, imposant le respect et traduisant son arrogance, il était un ravissement pour les yeux. Sans parler de son visage aux pommettes acérées et de sa chevelure blonde, presque blanche faisant ressortir son regard translucide.

Cœur meurtri ('Nombreux')Où les histoires vivent. Découvrez maintenant