Chapitre 3 - Vingt-huit jours avant l'incident

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Je n'étais pas particulièrement emballée à l'idée de sortir ce soir au Baratin. Cela faisait quelque temps que ce n'était plus trop ma tasse de thé. Pourtant, j'adorais toute la clique du frère de Lyam. Même s'ils avaient dix ans de plus que nous, ils restaient vraiment cools et savaient ce que c'était faire la fête. Même si je savais que je ne risquais pas de croiser quelqu'un que j'avais juré ne plus vouloir voir, il était évident que tout cet endroit transpirerait sa présence. C'était là que je l'avais aperçu la première fois, après tout.

Mais avant de sortir, j'étais passée chez mes parents, comme tous les samedis depuis que j'avais quitté le nid. Je devais bien avouer que j'avais pris cette habitude de mes frères qui, eux, étaient partis plus tôt de la demeure familiale que moi, étant simplement un peu plus âgés.

Nous nous retrouvâmes donc devant une tasse de café et une énième tentative de pâtisserie ratée de ma mère. C'était sa nouvelle lubie, nous cuisiner des « douceurs » comme elle les appelait. Malheureusement ces fameuses douceurs étaient généralement trop sucrées, pas assez cuites ou tout au contraire, beaucoup trop. Bien évidemment, elle ne les goutait jamais, trop soucieuse de garder sa ligne impeccable.

- Alors, c'est bon ? s'enquit-elle.

Tous semblables dans notre fratrie en cet instant, bouches pleines d'une nouvelle horreur tout droit sortie du four, nous levâmes à la cantonade un pouce affirmatif. Nous n'avions pas le cœur de lui dire que tout ce qu'elle cuisinait était immonde. Je m'empressai de noyer ce gout infect en ingurgitant une grande gorgée de café.

- Quoi de prévu pour vous ce soir, les jeunes ? nous demanda-t-elle.

Maxime haussa les épaules, depuis qu'il sortait avec sa dernière petite amie en date, il avait l'interdiction formelle de quitter leur appartement sans elle sans une justification « valable ». De plus, elle l'obligeait à faire tout un tas d'activités dont il n'avait franchement rien à faire. Pour autant, il ne s'en plaignait pas. Cela devait être ça l'amour. Quelque part, cela me confortait dans l'idée que les relations amoureuses, ça craignait.

- Je pense qu'on va voir un film « indé » avec Méli, un truc sur une féministe.

Je levai les yeux au ciel.

- Oh, ça doit être intéressant, fit semblant de s'intéresser ma mère.

Elle détestait tout film qui n'était pas tout en haut du classement des blockbusters. Bien sûr, elle faisait semblant d'adorer ça lorsqu'elle était aux côtés de mon père, lui qui était un grand amateur du septième art dans sa version indépendante.

- Je sors en boite avec Pierre et Jessica, répondit Nathan à son tour.

Je le soupçonnais sérieusement de former un trouple avec ses deux compères, mais il avait toujours démenti et se revendiquait célibataire endurci. J'étais certaine qu'il me mentait, je le connaissais assez pour reconnaitre ce genre de signes.

Mes lèvres s'étirèrent donc en un sourire un peu moqueur et il me fusilla du regard. Nous étions un peu comme chien et chat, mais c'était plus un jeu qu'autre chose. En réalité, nous nous adorions.

- Et toi, Mantis ? me nargua-t-il.

Mes frères s'étaient mis à m'appeler comme ça la première fois qu'ils avaient rencontré Lyam. Je n'avais pas apprécié, je détestais que cela soit quelqu'un d'autre que lui qui prononce ce surnom. Je savais que ma mère ne supportait pas que l'on me nomme autrement non plus, mais comme cela venait de Lyam, elle n'en disait rien.

- Je sors avec des potes au Baratin.

Je n'entrai pas dans les détails sinon...

- Avec Lyam ? s'enthousiasma ma mère.

Cœur meurtri ('Nombreux')Où les histoires vivent. Découvrez maintenant