Chapitre 27 - Trois ans avant l'incident

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// Anaïs

Ma dernière année d'université touchait peu à peu sa fin. Il ne restait que quelques petits mois et les cours se faisaient rares, nous servant principalement de soutien pour rédiger notre mémoire de fin de cursus. J'avais fait le choix d'être traductrice, préférant largement travailler sur de la lecture plutôt que sur l'écoute. Je n'avais pas réellement plus de difficultés dans un domaine ou l'autre, il s'agissait simplement d'une question de gout.

Je raturai une énième fois un mot du texte que je venais d'imprimer, constatant qu'il était superflu dans la thèse que j'avançais. Soupirant, je relevai la tête afin de m'aérer un instant l'esprit.

Mon regard rencontra alors celui de Ben qui était en train d'effectuer quelques tractions à l'aide de la barre qui était fixée au chambranle de la porte de sa chambre. Bien qu'il était en plein effort, couvert d'une sueur ruisselant sur son torse nu et particulièrement bien dessiné – c'était un détail – ses yeux s'attardèrent sur mon corps un long moment. Pourtant, j'étais tout sauf séduisante en cet instant. Je portais un short en coton, un t-shirt tout aussi lâche, mes cheveux étaient rassemblés en un chignon indiscipliné et j'étais assise en tailleur sur la couette de son lit que j'avais repliée n'importe comment. J'étais au summum de la négligence.

Ben se laissa tomber tout en souplesse sur le parquet.

- Je suis content que tu sois resté.

Il fallait dire qu'il m'avait suppliée de passer tout le week-end chez lui et que j'avais fini par craquer. Évidemment, je rêvais autant que lui de pouvoir passer tout mon temps libre à ses côtés, mais ce n'était pas aussi simple qu'il semblait le penser. Cela faisait des années que cette relation cachée durait. Parfois nous nous voyions tous les jours, parfois plus pendant quelques semaines. Il n'y avait jamais rien eu de fixe ou de stable, excepté cette promesse de rester exclusifs. Sauf qu'en vivant toujours chez mes parents, il était difficile de justifier mes absences répétées au bout de trois années. Bien sûr, ils ne me demandaient pas spécialement à ce que je leur rende de comptes, mais passer pour une fille s'adonnant aux plans d'un soir à répétition me mettait particulièrement mal à l'aise. Je ne voulais même pas savoir ce qu'ils en pensaient. Une ou deux fois, mon père m'avait questionnée, s'était intéressé à ma vie sentimentale en me demandant si j'avais quelqu'un dans ma vie, lorsque j'avais dû lui répondre que ce n'était pas le cas, je n'avais plus su où me mettre tant j'étais gênée de la conclusion qu'il avait dû en tirer.

- Tu sais, ça devient compliqué...

Encore une fois, je devais jouer les rabat-joie de service, mais encore une fois, c'était moi qui en pâtissais le plus de tout ça.

- Je sais, mais dans quelques mois, tu seras diplômée, tu trouveras un travail et tu pourras avoir un appartement ou...

Sa phrase resta en suspens. Ou quoi ? Nous pourrions vivre ensemble ? J'en doutais. Plus le temps passait et plus le mensonge se creusait, plus le secret nous semblait inaliénable.

- Tu sais, mes proches vont vraiment se poser des questions si je ne me trouve pas quelqu'un. Pour toi, c'est facile, tu es un mec, tu peux faire ce que tu veux, faire croire que tu as autant de plans d'un soir que tu le désires, ça passera toujours. Mais pour moi... j'ai juste l'air d'une fille... facile.

Un sillon à la fois mécontent et perplexe se dessina entre ses sourcils.

- Aux yeux de qui ? fit-il mine de s'étonner.

Un rire nasal et sarcastique m'échappa.

- Mes parents, mes frères, mes cousins et cousines, sans oublier mes oncles et mes tantes, les voisins, pourquoi pas. Ah et n'oublions pas mon meilleur ami et mes copines de fac, citai-je en les énumérant du bout des doigts.

Cœur meurtri ('Nombreux')Où les histoires vivent. Découvrez maintenant