// Mantis
L'image de Ben si beau et sérieux à la fois en train de mettre en garde Louis ne me quittait pas. Je n'arrivais même pas à me concentrer sur ce que celui-ci me racontait alors que nous arpentions les jardins arborés situés derrière l'hôtel de ville.
- Tes parents n'ont rien dit pour ta couleur de cheveux ?
Cette question me désarçonna. Je sentais une pointe de jugement dans sa façon de la poser, dans cette petite intonation à la limite de l'impertinence. C'était presque le langage usuel dans mon école remplie de bourgeois, mais j'avais espéré que Louis serait différent.
- Qu'auraient-ils dû en dire ?
Il haussa les épaules.
- Je ne sais pas. Si ma sœur avait fait ça, ma mère ne l'aurait plus laissé sortir de la maison jusqu'à qu'elle retrouve sa couleur naturelle.
Et là tout à coup, je remerciais toutes les entités divines ou non pour m'avoir offert des parents aussi géniaux que les miens.
- Mes parents m'aiment comme je suis, j'imagine, éludai-je.
Je n'avais pas envie d'avoir à justifier l'éducation que je recevais, surtout pas devant quelqu'un comme lui. Il était clair que ses parents devaient fréquenter les mêmes cercles que les miens, pourtant, la différence entre eux était évidente. Je n'avais pas été élevée pour me montrer prétentieuse ou supérieure sous de faux airs angéliques alors que Louis, oui, de toute évidence.
Il sembla méditer un instant mes paroles et au moment même où sa bouche s'ouvrit, je sus que ce qu'il dirait ne me plairait pas, je coupai donc court.
- Ne pose juste aucune question proche ou lointaine sur mon adoption ou celle de mes frères.
Stupéfait, il lâcha un « oh » qu'il étouffa rapidement.
- Je suis désolé, je ne voulais pas être indiscret.
Bien sûr que si.
- Ça l'aurait été, pourtant, déclarai-je.
Eh bien, on pouvait affirmer que je savais mettre les gens mal à l'aise. Un silence lourd s'ensuivit. Il était temps que je coupe court à tout ça avant que cela ne se transforme en désastre total.
- J'ai un petit quelque chose à faire, on se retrouve au Baratin tout à l'heure, avec les autres ?
Il esquissa un sourire un peu mauvais.
- Tu vas aller la manger, ta glace ? m'interrogea-t-il avec suffisance.
Il insinuait quelque chose, c'était évident, mais j'ignorais quoi.
- Oui, c'est ce qui est prévu.
J'avançai d'un pas plus rapide, fuyant presque l'endroit. Comment cela avait-il pu déraper aussi vite ?
- Franchement, je ne te pensais pas comme ça.
Je me tournai, surprise. J'avais la désagréable impression de tomber dans un piège tel un moucheron coincé dans une toile d'araignée.
- Comme quoi ?
Louis me détailla de haut en bas, une lueur enflammée dans ses iris.
- Comme ça, répéta-t-il.
Mal à l'aise, je continuai sur ma lancée pour rejoindre la place. Je me tenais à côté de la fontaine quand je remarquai que Benjamin était presque affalé sur un des bancs circulaires aux tubes métalliques. Ses yeux étaient fermés, il semblait prendre le soleil, il avait l'air d'être dans un état de calme absolu. Je n'avais pas le cœur de le réveiller ou de le sortir de cette quiétude, tout du moins. Au fond de moi, une pensée me vint alors : m'attendait-il depuis tout à l'heure ?
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Cœur meurtri ('Nombreux')
RomanceAnaïs, surnommée Mantis, se retrouve oscillant entre la vie et la mort. Le choix lui appartient de se battre pour rester en vie ou d'abandonner la partie. Mais pourquoi s'est-elle retrouvée inconsciente à l'hôpital ? Quels terribles choix l'ont amen...