Chapitre 10 - Neuf ans avant l'incident

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// Ben

Je n'avais pas dormi de la nuit. Je m'étais tourné et encore retourné jusqu'à décider qu'il était temps que je bouge de là. J'avais enfilé un jeans et un pull à capuche, puis j'étais monté dans ma vieille voiture en espérant qu'elle tiendrait le coup jusqu'à l'hôpital.

Je devais la voir. Il fallait que je m'assure qu'elle se réveillerait. Je ne pouvais pas accepter une autre issue.

Mais comment avais-je pu être aussi con ? Comment à mon âge, j'avais pu laisser une gamine de seize ans monter dans la voiture d'un gars aussi louche ? Je devais être sonné et abruti par ce baiser qu'elle m'avait donné. Bon, ce n'en était pas vraiment un en réalité puisqu'elle avait juste posé ses lèvres sur les miennes et que j'étais resté de marbre avant de réaliser ce qui se passait et de reculer. Mais c'était assez réel que pour me décontenancer. Anaïs était vraiment une fille super, j'avais juste voulu lui remonter le moral comme je l'aurais fait pour ma petite sœur. Je ne pensais pas qu'elle le prendrait autrement, qu'elle penserait qu'il y avait un autre genre d'invitation avec ce geste. Avec notre différence d'âge, je n'avais pas songé qu'il pouvait y avoir le moindre malentendu. Visiblement, je m'étais encore planté. J'étais un loser dans mes relations avec les filles, je faisais toujours tout de travers. Et puis ça n'avait pas de sens, elle était si amoureuse de Lacombe Junior, comment avait-elle pu se jeter comme ça sur moi ? Cela devait sûrement être par désespoir, je ne voyais que ça. Mais une chose était sûre, il fallait que je revoie ma façon de communiquer sinon j'étais foutu. À vingt-six ans, j'étais loin de briller dans ce domaine. Cela faisait plus de dix ans que je courais après la même fille et j'étais incapable de m'intéresser à quelqu'un d'autre.

J'étais arrivé à l'hôpital quand par coup de chance incroyable, je reconnus la mère d'Anaïs dans le grand hall. Je ne la connaissais pas personnellement, mais je l'avais déjà croisée à l'occasion quand je trainais en ville avec Malone. Cette femme étant une cliente très fidèle de mon meilleur ami, elle était allée le saluer et il m'avait alors expliqué qui elle était. À l'époque, je n'avais vu qu'Anaïs une ou deux fois, mais aujourd'hui, cette rencontre me servait.

Je la suivis discrètement, car en réalité, j'ignorais totalement comment justifier ma présence ici et je n'avais aucune idée d'où se trouvait la chambre que je recherchais. Je me voyais mal expliquer à Madame Binnet qu'un type de dix ans plus vieux que sa fille s'intéressait à l'état de santé de cette dernière.

Nous arrivâmes à l'étage d'Anaïs et je fus soulagé de constater qu'il y avait pas mal de visiteurs pour ce niveau. Cela me permettait de passer plus facilement inaperçu. Dit comme ça, j'avais l'air d'un psychopathe et je devais bien reconnaitre que je commençais à en douter moi-même.

Madame Binnet s'arrêta devant la chambre 345, là où attendait un homme que je supposais être son mari ainsi que les deux frères d'Anaïs. J'avais déjà eu l'occasion de les apercevoir en soirée au Baratin, mais je ne leur avais jamais parlé.

- Il est encore là ? s'étonna Madame Binnet. J'avais dit dix minutes !

L'ainé, un grand gars à la peau noire, soupira.

- C'est son meilleur pote, lâche-la un peu.

La mère d'Anaïs eut l'air offusquée comme jamais.

- Je te rappelle qu'elle est montée dans la voiture d'un inconnu qui avait consommé de la drogue, alors, non, excuse-moi si je ne « lâche » pas ma fille.

J'eus un pincement au cœur en entendant son discours. Si elle ne s'était pas réveillée, sa mère ne s'en serait pas remise, c'était évident. Dans un sens, moi non plus, je me sentais totalement responsable de cette tragédie. Mais j'avais appris au moins une chose, elle était éveillée. Mon cœur se desserra un peu de l'étau qui l'étouffait jusque-là.

Cœur meurtri ('Nombreux')Où les histoires vivent. Découvrez maintenant