Chapitre 6 - Neuf ans avant l'incident

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J'ajustai mon col Claudine face au miroir en pied de ma chambre. Ma jupe type 'écolière' était très courte, mais de hautes chaussettes noires cachaient une partie de mes jambes. Les petites manches ballon me conféraient une carrure un peu plus développée que ma frêle stature habituelle. Je me plus à penser que mon petit look « Blair Waldorf » était réussi. Lyam apprécierait, j'en étais certaine. Pour la touche finale, j'attachai une barrette sur le côté droit de mes cheveux, écartant les premières mèches et notamment celle que j'avais recouverte d'une teinture rose.

Quelques coups résonnèrent à la porte.

- Je suis prête ! clamai-je.

Nathan apparut alors dans l'embrasure, un sourire attendri sur son visage rond.

- Je n'arrive pas à croire que tu as déjà seize ans !

- Nous n'avons que deux ans de différence, soulignai-je en inspectant une dernière fois mon reflet.

Mon frère s'avança et m'attrapa la main pour me faire tournoyer sur moi-même. Je ris aux éclats.

- Peut-être bien, mais tu seras toujours ma petite sœur.

Je me jetai sur lui pour qu'il m'étreigne. Je lui montrai ainsi que lui aussi serait toujours mon grand frère. L'âge n'avait aucune raison de changer ça.

- D'ailleurs... Tu ne mettrais pas une jupe un peu plus longue ?

Je ne voyais pas bien le rapport, aussi, je m'écartai pour l'examiner, un air circonspect fiché sur le visage.

- Je dis ça, précisa-t-il, parce que je n'ai pas envie de tuer Lacombe ce soir s'il a des mains ou des yeux trop baladeurs à mon gout.

Je levai les yeux au ciel et secouai la tête, amusée. C'était ça le souci avec les grands frères, ils devaient toujours jouer aux grands protecteurs même lorsque l'on n'avait pas la même notion de la « menace » qui pesait sur nous. Moi, au contraire, je rêvais que Lyam me voit et me remarque, vraiment. Il enchainait toujours les petits flirts depuis notre rencontre un an plus tôt et n'avait jamais tenté quoi que ce soit avec moi. Ce n'était pourtant pas faute de passer du temps ensemble. Nous étions tout le temps fourrés l'un avec l'autre. Il venait très régulièrement à la maison après les cours, plusieurs fois par semaine, et même s'il ne m'avait jamais invitée chez lui, je savais que ce n'était pas parce qu'il ne tenait pas à moi. Je me doutais qu'il y avait une histoire derrière tout ça, mais ce n'était pas à moi de demander qu'il me l'explique. Je le connaissais assez pour savoir qu'il ne se confiait que lorsqu'il se sentait assez en confiance et cela n'arrivait que dans de très rares moments de faiblesse, selon lui. Je ne comprenais pas ce que je faisais de travers, mais il y avait visiblement quelque chose qui clochait dans ma façon de me comporter pour qu'il ne s'intéresse pas à moi. Pas du tout, même.

Cette année fut étrangement semblable et à la fois différente de la précédente. J'étais sur la banquette arrière de la voiture conduite par Maxime, Nathan était lui aussi toujours sur le siège passager avant, sauf qu'aujourd'hui, une douce excitation me nouait l'estomac. L'année dernière, je rechignais à me rendre au Baratin sans savoir que ce serait une des plus belles soirées de ma vie puisque j'y avais rencontré Lyam, celui qui allait devenir mon meilleur ami et je l'espérais, plus, ce soir. J'étais impatiente d'entrer dans ce bar, d'être acclamée par mes nouveaux amis, ou plutôt ceux de Lyam, et de recevoir des cadeaux. C'était futile, je le savais très bien, mais ce serait la première fois de ma vie que je fêterais mon anniversaire entourée d'autres personnes que des gens de ma famille.

Dès que je franchis les portes de l'établissement, des cris résonnèrent suivis de « joyeux anniversaire » à tout va. Je souris jusqu'aux oreilles lorsque mon meilleur ami épingla sur le revers de mon chemisier un grand « 16 » et plaça un diadème ridicule en plastique sur ma tête. Toutefois, je me laissai faire, comme chaque fois que cela venait de lui.

Cœur meurtri ('Nombreux')Où les histoires vivent. Découvrez maintenant