Chapitre 28 - Le jour de l'incident

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// Ben

Je m'étais réveillé, en sueur, comme habituellement depuis que j'étais en mission, mais cette fois-ci, la moiteur me collait tellement à la peau que j'étais persuadé que c'était tout mon être qui suintait la peur et ça n'avait rien à voir avec la chaleur extérieure. J'avais un pressentiment terrible. Quelque chose d'horrible allait se produire aujourd'hui, mais je n'arrivais pas à comprendre quoi.

J'étais toujours dans la même petite maison, havre de paix depuis que mes sauveuses s'occupaient de moi, mais tout était plus calme que d'habitude. Beaucoup trop calme, même. C'était tout à coup très semblable à ce que j'avais ressenti le soir de l'attaque. Ce silence presque irréel annonçant le pire.

Soudain, mes signaux d'alarme se mirent en place et je suffoquai en songeant que mon arme n'était pas juste à côté de moi comme j'en avais eu l'habitude ces derniers mois. Une angoisse viscérale empoigna mon cœur en songeant que toute cette lutte depuis des jours pour survivre à mes blessures avait été inutile, que peut-être mes anges gardiens qui avaient pris soin de moi comme d'un membre de leur famille souffraient quelque part. Je voyais trouble en imaginant August, les yeux exorbités...

Deux mains se posèrent sur mes épaules pour me saisir, mais j'étais coincé, recroquevillé contre ce mur de terre sèche. Je préparai mon poing pour me défendre avec mes seules forces, je ne me débrouillais pas trop mal au corps à corps avant l'attaque, après tout. Mais ce fut tout ce que je réussis à faire, mes bras refusèrent de m'obéir davantage et d'ailleurs, ils se mirent à trembler. J'étais impuissant face à un assaillant qui ferait bientôt plus que simplement m'agripper. J'allais juste le laisser me tuer sans même me battre, tout ça parce que quelque chose en moi refusait de bouger, de lutter à nouveau. Je ne parvenais toujours pas à voir clairement qui était face à moi, mon regard était brouillé, comme endormi. Ma cage thoracique me faisait mal à en crever, comprimée sous chacune de mes inspirations.

- Gilson, calme-toi, c'est moi, mec, calme-toi.

Je connaissais cette voix, mais je ne parvenais pas à la rattacher à quelque chose, quelqu'un. C'était flou, lointain.

- Ben, s'il te plait, ne craque pas maintenant.

Ce ton suppliant était... nouveau ?

August.

Putain ! Je ne l'avais pas reconnu. Pourquoi ?

Mon regard s'éclaircit et ma vision se précisa, dévoilant mon ami, la mine inquiète et fatiguée.

- Je... tentai-je d'une voix enrouée

Brusquement, August me tira vers lui et quand nos corps se rencontrèrent, il m'étreignit aussi fort qu'un colosse comme lui pouvait le faire. Et même si ça tirait sur toutes mes articulations endolories et que ma peau brûlait encore sous ce genre de contact, j'avais cruellement besoin de cette étreinte.

- Tu as fait une crise de panique, je crois, souffla-t-il, la voix incertaine.

Une crise de panique ? C'était bien la première fois que ça m'arrivait et c'était... terrifiant. Elle m'avait privé de tous mes réflexes et j'étais devenu impuissant et à la merci de la moindre menace.

- Tu m'as foutu la trouille, reprit mon ami en expulsant un rire nerveux qui prouvait qu'il relâchait un peu la pression accumulée.

Je m'accrochai plus fort à lui, par nécessité, par besoin viscéral de sentir un peu d'affection, d'être rassuré après les horreurs vécues.

- Désolé, murmurai-je.

Il rit de plus belle, mais cette fois, de façon plus décontractée que la précédente.

- Tu n'as pas à l'être, ne refais juste jamais ça.

J'allais lui promettre quand je resongeai à ce qui m'avait mis dans cet état. Ce réveil inexplicablement inquiet avec toutes les sensations que j'avais ressenties.

- Il va se passer quelque chose.

August se décolla subitement de moi afin d'examiner attentivement les traits de mon visage.

- Ça signifie quoi, ça ? me demanda-t-il, méfiant.

Je secouai la tête, perdu.

- Je n'en sais rien, admis-je. J'ai juste ce sentiment qu'un truc se prépare... Je n'arrive pas à l'expliquer.

Mon ami ne répondit rien, me laissant le temps de mieux m'exprimer ou tout simplement de me recentrer pour être capable de formuler mes idées. Ça ne servait toutefois à rien, je n'avais aucune information réelle, tout reposait sur des intuitions, sur un sentiment plus profond et inexplicable. Mais si je devais être tout à fait honnête, il n'y avait qu'une personne qui s'affichait constamment dans mes pensées depuis mon réveil, un seul visage, un reflet abimé par le chagrin.

- Je dois retrouver Anaïs, déclarai-je avec conviction.

August opina avant de se redresser et de me tendre les mains pour m'aider à faire de même. En réalité, cela faisait plusieurs jours qu'il était capable de marcher et d'entreprendre ce voyage, il n'attendait plus que moi, que mon état s'améliore et que je sois prêt à le suivre.

- Fais tes adieux, on part. 

Cœur meurtri ('Nombreux')Où les histoires vivent. Découvrez maintenant