Chapitre 18 - Six ans avant l'incident

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// Anaïs

Cette année, notre glace traditionnelle avait encore plus de saveur que les précédentes. C'était sûrement dû à la tension nouvelle et assumée entre Ben et moi. Il y avait quelque chose dans sa façon de me regarder qui était bien différent d'avant, c'était comme si tout à coup, il prenait pleinement conscience de qui j'étais, de qui je pouvais être pour lui.

Nous étions assis côte à côte sur un banc dans les jardins situés derrière l'hôtel de ville, un petit havre de paix pour deux personnes cherchant à mieux se connaitre. Nos bras se frôlaient régulièrement à mesure que nous dégustions les délices glacés et ce simple contact parvenait à me faire perdre la raison. Je sentais également qu'il luttait de son côté, mais j'ignorais si ce n'était pas plus une bataille contre sa propre raison. J'espérais que non, je voulais croire qu'il avait cédé et que c'était acté.

Une fois sa glace terminée, Ben s'affala un peu plus sur le banc et posa nonchalamment un bras sur le dossier, m'encadrant. Il ne me touchait pas, mais je sentais la chaleur de sa peau près de ma nuque, je devinais la crispation de ses muscles.

Le soleil de mai illuminait la journée et le moment n'aurait pas pu être plus parfait. Je me décalai légèrement en prétextant un frisson pour que mon corps se love contre le sien, fort et protecteur avec cette odeur de gel douche masculin mêlé à des restes de chlore. Ce parfum serait décidément mon préféré.

Il déposa un si bref baiser sur ma tempe que je me demandai un instant si je ne l'avais pas rêvé. Cette proximité autorisée, mais interdite à la fois me laissait un peu perplexe, j'ignorais comment je pouvais me comporter.

- Je me sens bien, lâchai-je au risque de rompre notre tranquillité.

Son bras glissa sur mes épaules, lui permettant de m'étreindre contre lui quand il me répondit dans un murmure.

- Moi aussi, je me sens bien... avec toi, ajouta-t-il de façon presque inaudible.

Son téléphone émit le bruit d'une alarme pouvant servir de réveil ou de rappel et il le sortit de la poche de son jeans en soupirant.

- Je vais devoir y aller, je bosse ce soir.

Le ton dépité qu'il avait employé me laissait croire qu'il aurait aimé étirer ce moment autant que moi.

- Je te raccompagne chez toi.

Ce n'était pas une question, mais une affirmation, inflexible. Il était hors de question de me laisser rentrer chez moi en transports en commun ou à pied alors qu'il était lui-même véhiculé, de ce que j'en comprenais.

- Ça ne serait pas un peu voyant ? J'imagine que ma mère ou au moins un de mes frères est à la maison...

Il haussa les épaules.

- Si je t'avais croisé en ville et que nous n'étions pas... aussi proches, je t'aurais proposé de te ramener chez toi, ça n'a rien de bizarre.

Au fond de moi, j'aurais préféré qu'il dise qu'il s'en fichait que quelqu'un comprenne, qu'il préférait s'afficher avec moi que me laisser seule, ici. Mais sa justification était restée terre à terre sans romantisme, sans geste caché. Quelque part, il avait peut-être raison, même si nous n'avions pas été plus proches que ça, il m'aurait reconduite chez moi. Cela ne prouvait pas un attachement particulier, juste le fait que c'était un homme avenant, gentil, mais ça, je le savais déjà et c'était un trait de sa personnalité que j'appréciais particulièrement.

Lorsque nous nous redressâmes et quittâmes le banc, Ben laissa courir ses doigts le long de ma colonne vertébrale, m'arrachant une multitude de frissons.

Cœur meurtri ('Nombreux')Où les histoires vivent. Découvrez maintenant