Chapitre 26 - Le jour de l'incident

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// Anaïs

Lyam avait insisté pour que l'on sorte, que je me fasse belle, que je quitte mon appartement qui commençait à empester le désespoir et que je m'aère aussi bien physiquement que psychiquement. Je n'en avais pas envie. Pas du tout, même. Je voulais rester dans mon canapé à attendre les nouvelles. Des nouvelles qui n'arriveraient peut-être jamais. Non. Je refusais d'y croire, ça, ça n'était pas possible. En bien ou en mal, on finirait par nous dire quelque chose. Mais si c'était en mal, alors...

Je ne pouvais pas songer à toutes ces choses que j'avais faites, que j'avais dites en voulant le blesser, en désirant qu'il souffre autant que je l'avais fait. Cela n'avait pas été juste et je le savais aujourd'hui. Je lui avais reproché d'être égoïste et lâche, je m'étais vengée en lui faisant croire que j'en aimais d'autres, que je ne l'aimais pas, lui. J'avais été immature. J'étais jeune. Oui, c'était ça le problème, ça l'avait toujours été. Sauf que depuis que je l'avais perdu, j'avais compris tout ça. Pourquoi saisissait-on enfin les choses quand il était trop tard ? C'était comme une loi universelle. Comme si nous devions être incapables de faire les choses au bon moment pour bien les regretter durant toute notre vie.

Si je pouvais le revoir ou même lui parler, ne serait-ce qu'une dernière fois, je lui dirais que je l'aimais. Nous ne nous l'étions jamais dit. Et même s'il ne me répondait pas par la réciproque et même s'il m'humiliait en disant que ce n'était pas son cas, je m'en fichais. Je ne voulais plus le perdre sans qu'il sache ce que je ressentais pour lui. Mais peut-être que je n'en aurais jamais l'occasion. Peut-être même que j'avais perdu la seule chance de lui dire et que je culpabiliserais toute ma vie pour ça. Le pire dans tout ça, c'était que nous savions que nous nous aimions. C'était évident. Pourquoi nous serions-nous infligé tout cela, dans le cas contraire ? Alors, qu'y avait-il de si difficile dans le fait de le prononcer à voix haute ? J'en connaissais la réponse. Bien évidemment. Le premier qui aurait lâché cette fameuse phrase se serait montré le plus vulnérable, le plus facile à briser, car dans la vie, tout était toujours question de gagnant et de perdant. Et aucun de nous n'aurait accepté d'être ce fameux perdant. C'était sans doute pour cela que ça avait tenu aussi longtemps. Qui de nous deux aurait eu la force de dire « ça suffit, je t'aime trop pour te faire souffrir autant, on arrête tout ? ». Aucun de nous n'avait été prêt à libérer l'autre, nous étions trop dépendants de cet amour toxique, trop accrochés pour nous laisser partir. Nous n'avions jamais collé d'étiquette sur notre couple, par ailleurs, et cela entrait dans cette logique tordue. Si nous n'étions pas officiellement ensemble, alors, nous ne pouvions pas rompre de façon officielle non plus. Pas d'histoire, pas de début et donc pas de fin. C'était aussi simple que ça.

Je ne l'avais jamais vraiment laissé partir et il ne l'avait pas fait davantage. On s'était dit des « ne me suis pas » ou « je ne veux plus te voir », mais jamais, au grand jamais aucun de nous n'avait jamais dit « c'est terminé ». Parfois, il s'était passé des mois sans que nous ne nous voyions, mais ça ne nous avait jamais empêchés d'appartenir à l'autre. Il avait mon cœur entre les mains et il le savait pertinemment bien. De mon côté, je n'ignorais pas que le simple fait de me voir proche d'un autre pouvait lui faire perdre la tête. Tout ce que j'avais attendu, c'était qu'il passe au-dessus de sa peur du jugement des autres, qu'il assume enfin ses sentiments aux yeux de tous et qu'il arrive à accepter que les évènements du passé ne se reproduiraient pas forcément, que sa famille ne perdrait pas tout à nouveau. Cela avait été une lutte difficile, un marathon lent dont je n'ai jamais vu la fin. Et cette année, j'avais été épuisée par cette course presque épique et j'avais dit des choses que je regretterais à jamais.

J'appliquai mon maquillage pour la troisième fois, m'interrompant à nouveau pour tout effacer. Mon mascara avait encore coulé.

Cœur meurtri ('Nombreux')Où les histoires vivent. Découvrez maintenant