Chapitre 24 - Quatre ans avant l'incident

26 2 2
                                    

// Anaïs

« On devrait tout arrêter. »

C'était ce que je devais dire aujourd'hui. C'était ce qu'il y avait de plus censé à faire. Cette relation ne nous menait à rien.

Oui, mais voilà, quand il débarquait avec son sourire en coin, ses yeux terriblement bleus et ses cheveux blonds légèrement en bataille, il n'y avait pas moyen que je lui assène cette phrase. Lorsque nos corps enlacés s'échauffaient et qu'il m'appelait Misiu, ou même dans les moments où nous étions simplement blottis l'un contre l'autre et tout habillés, je me sentais bien. Je me sentais aussi en paix avec moi-même comme ça ne m'arrivait que rarement. Ben me faisait rire et était capable d'effacer mes craintes, il me redonnait confiance en moi lorsque je doutais et en un regard, il me déclarait que j'étais la plus belle. Je me sentais forte à ses côtés et incroyablement intelligente quand il s'émerveillait de ce dont j'étais capable à l'université. C'était d'ailleurs une des causes qui creusait également la distance entre nous. Je n'arrêtais jamais de bosser à ce stade de mes études. Presque chaque minute de mon temps libre était consacrée à mes travaux et la mémorisation du vocabulaire. Je savais avant de les entamer que ces études étaient difficiles, mais en réalité, c'était un doux euphémisme. Je n'avais clairement plus de vie. Le seul que j'arrivais à voir régulièrement, c'était Lyam puisqu'il étudiait également sur le même campus que moi. Heureusement que je l'avais dans ma vie, d'ailleurs, sans quoi j'aurais eu beaucoup de peine à rester motivée.

Les trois mois que j'avais passés à Londres m'avaient fait accumuler beaucoup de retard sur les cours magistraux qui s'étaient donnés pendant mon absence. J'avais pu apprendre énormément d'expressions et travailler pour un mieux ma compréhension de la langue en plus de découvrir la vie en entreprise, mais maintenant, c'était plus compliqué pour me remettre à niveau et continuer à exceller.

Ben comprenait tout ça, pourquoi je devais rentrer tôt, pourquoi je ne pouvais pas passer des journées entières avec lui, pourquoi certaines semaines, il était impossible de se voir. Peut-être même qu'il comprenait un peu trop bien. Parfois, je me demandais si je lui manquais. Pire, parfois je me demandais s'il ne voyait personne d'autre. Je savais raisonnablement pourtant que non, car bien que nous n'ayons pas une relation classique, il était évident que nous étions exclusifs. Mais... cela faisait longtemps que nous étions ensemble maintenant, non ? Pourquoi n'était-ce pas possible d'officialiser les choses ? Était-ce encore si grave si ça se savait ? Après tout, j'aurais vingt-et-un ans dans deux jours, la majorité universelle, alors, qui cela choquerait-il de nous voir ensemble ?

- Je crois que de toutes tes couleurs de cheveux, je les préfère en bleu.

Je remuai la cuillère en bois dans les restes de glace fondue, perdue dans mes pensées.

- Misiu ?

Je relavai machinalement la tête sous l'appellation de mon surnom.

- Mmh ?

Un sourire véritable et ô combien ravissant illumina son visage.

- Tu es à combien de kilomètres de moi, là ? me taquina Ben.

Je fis mine de réfléchir.

- Au moins trente.

Les sourcils haussés, une lueur d'amusement dans ses iris océan, il avala le dernier morceau de son cornet.

- Étape suivante ? me questionna-t-il.

Aujourd'hui, il avait décidé que nous fêtions notre journée d'anniversaire un peu en avance comme c'était samedi et que j'en étais la reine.

Cœur meurtri ('Nombreux')Où les histoires vivent. Découvrez maintenant