// Ben
En parallèle du "présent" d'Anaïs
Certains jours, je me demandais vraiment ce que je fichais ici. D'autres, en revanche, je savais pourquoi je m'étais engagé et je comprenais réellement quel rôle je jouais dans toute cette tragédie. Il fallait croire que c'était un jour sans, parce que franchement, je ne parvenais plus à supporter la chaleur écrasante et même allongé sur mon lit de fortune dans notre baraquement, il m'était impossible d'arrêter de transpirer. J'étais Belge, mon corps n'était pas fait pour supporter des températures aussi extrêmes. Du moins, c'était ce que je me figurais pour m'en consoler.
Il y avait quand même un point positif à tout cet ensoleillement : j'avais réussi à bronzer pour la première fois de ma vie. Au début, je m'étais ramassé les pires coups de soleil de ma vie, puis une fois ma peau brûlée comme jamais, elle s'était mise à brunir et avait désormais l'habitude de recevoir autant d'UV. Certains soirs, lorsque je trempais mes mains dans le seau pour me frotter le visage, j'étais étonné que ce ne soit pas seulement de la terre qui colore ma peau.
Bien sûr, tout ça, c'était très superficiel en comparaison de ce qu'il se passait ici, mais me préoccuper de mon apparence, c'était parfois le seul lien qu'il me restait avec ma sœur, elle qui était à des milliers de kilomètres de moi. Elle avait toujours pris soin de mon physique alors que ça ne m'avait jamais trop importé. Aujourd'hui, c'était différent, car c'était la seule chose que je pouvais lui offrir les rares fois où j'arrivais à choper du réseau quand nous approchions d'une ville. Oui, lui montrer que j'allais bien, que j'arrivais à ressembler plus ou moins à quelque chose sans elle, c'était tout ce que je pouvais faire pour essayer de lui redonner le sourire à travers la caméra. Elle m'en voulait d'être parti en mission et je ne pouvais pas lui jeter la pierre pour ça, j'aurais certainement pensé pareil à sa place, mais c'était ma vie, mes choix et elle était obligée de les accepter.
Partir pour le Mali et y vivre étaient beaucoup plus compliqué que je ne l'aurais cru. La mission était assez routinière, il s'agissait de patrouiller et circuler dans des villages fragilisés pour prévenir toute attaque de rebelles, mais lors de ces fameux assauts, j'y avais vu les pires horreurs. Jamais, alors que l'on m'avait pourtant prévenu et que j'y avais été préparé, je n'aurais imaginé être témoin de certains... évènements. J'en avais remis une ou deux fois tout le contenu de mon estomac, c'est-à-dire pas grand-chose.
On se nourrissait peu ici, certains des hommes et moi avions pris le pli de partager nos rations avec les enfants ou les femmes enceintes. Du moins pour ceux qui l'acceptaient, car nous n'étions pas forcément vus d'un très bon œil par tous les habitants. Je les comprenais dans un sens, je ne savais pas trop comment j'aurais perçu l'arrivée de militaires dans mon quartier non plus si j'avais été à leur place. Des personnes qui ne parlaient même pas leur langue qui plus est.
- Ben, mon petit chat, tu dors ? brailla August en ouvrant la porte à la volée.
Je sursautai sous le grincement horrible de la tôle qui nous servait de séparation pour nos « chambres ». Par réflexe, je tenais déjà mon arme. August se bidonnait, une main sur le ventre, il était plié de rire.
- T'es vraiment trop con, mec, t'as tout oublié de ta formation ou quoi ?! râlai-je.
Il continua de s'esclaffer et bientôt, je craquai à mon tour et ma carapace de sérieux se fissura. J'éclatai de rire également.
- Tu aurais dû voir ta tête, t'étais terrifié ! se moqua-t-il.
Je souris pour la forme, mais ce qu'il venait de dire n'était qu'une preuve de plus que la vie ici m'avait complètement transformé, j'étais même angoissé rien qu'au son d'une porte qui s'ouvrait. Même si nous n'étions pas ici pour nous battre en tant que tel et que nous avions pour mission de maintenir les habitants dans une sécurité relative, nous risquions nos vies à tout moment. Il suffisait que le village dans lequel nous arrivions fût déjà sous l'emprise des rebelles et que nous tombions dans une embuscade pour que cela en soit fini de nous.
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Cœur meurtri ('Nombreux')
RomanceAnaïs, surnommée Mantis, se retrouve oscillant entre la vie et la mort. Le choix lui appartient de se battre pour rester en vie ou d'abandonner la partie. Mais pourquoi s'est-elle retrouvée inconsciente à l'hôpital ? Quels terribles choix l'ont amen...