Chapitre 4 - Dix ans avant l'incident

24 3 3
                                    

On y était.

J'avais des palpitations, une montée d'urticaire et j'étais à deux doigts de défaillir. Choisir une tenue pour un rendez-vous était un vrai cauchemar. Je n'avais jamais envisagé de vivre ce genre d'expérience ou en tout cas, pas dans l'immédiat. Mais voilà, c'était trop tard, j'avais accepté et jamais je n'oserais me défiler. Même en étant à la limite de la crise cardiaque. Si je ratais l'occasion de sortir avec Lyam Lacombe, je m'en voudrais tout au long de ma vie, je le savais. Je garderais en tête qu'il aurait pu être le père de mes enfants et que j'avais tout gâché pour un dilemme aussi stupide qu'une hésitation entre une robe salopette et une jupe à carreaux.

- Tu es très belle dans cette robe, reste comme ça, intervint ma mère qui venait de débarquer dans ma chambre sans même s'annoncer.

Je m'observai un instant dans le miroir en pied avant de jeter un œil sur la jupe étalée sur mes draps bariolés. Sous cette robe en jeans, je portais un t-shirt lilas dont la couture des manches se terminait en petites vaguelettes. J'avais chaussé des Docs Martens vernies à la couleur bleue aux motifs de marguerites. Je les adorais ces chaussures, même si je savais qu'elles ne m'aidaient pas à gagner des points de popularité.

- Merci, maman.

Elle m'adressa un sourire sincère, de ceux que seule une mère peut adresser et m'embrassa le front avec tendresse.

- Tu es ravissante, ma chérie, il serait fou de ne pas tomber amoureux.

Je piquai un fard. Je détestais ce genre de conversation, surtout avec ma mère. C'était gênant au possible.

- Maman ! râlai-je.

Elle s'esclaffa de ce rire cristallin que j'aurais aimé être capable de copier et qui lui permettait de tout obtenir. Je me redressai pour adopter la même posture fière et élégante qu'elle. On ne pouvait pas être plus différentes et pourtant, parfois, comme à cet instant, nous nous comprenions plus que quiconque.

- Reste toi-même quoi qu'il arrive, s'il ne t'apprécie pas telle que tu es, alors, c'est que c'est lui qui n'en vaut pas la peine.

Je lui adressai un regard curieux. Quand je lui avais dit que j'allais au cinéma avec Lyam Lacombe, elle avait sauté de joie et presque débouché le champagne. Sa famille était connue dans la région pour leur célèbre entreprise de réparations automobiles et maman avait pour habitude de se faire servir directement par le grand frère de Lyam quand elle s'y rendait pour les dépannages – très réguliers – de sa voiture.

- Même si c'est un Lacombe ? m'enquis-je.

Elle m'adressa un regard entendu, mais précisa tout de même :

- Même si c'est un Lacombe.

Je soupirai, car j'avais très peur que ce cas de figure se présente à moi. Arriverais-je à tirer un trait sur lui s'il espérait que je sois une autre ? Ou à l'inverse, serais-je capable de mentir, de cacher ma personnalité et mes valeurs pour lui plaire ?

- N'oublie pas, ma chérie, le plus important avec les gens, c'est de les regarder comme s'ils étaient le plus grand trésor au monde. Ils auront l'impression d'être spéciaux à tes yeux et décrocheront la lune pour toi.

C'était de loin le conseil le plus étrange qu'elle m'avait prodigué jusqu'à maintenant, et pourtant, ce fut le premier que j'avais réellement envie de suivre. Je voulais qu'on décroche la lune pour moi. Non, je voulais que Lyam décroche la lune pour moi.


J'avais insisté pour que Maxime me conduise un peu en avance au cinéma. Oui, il pouvait bien faire ça après le faux plan qu'il m'avait fait le vendredi précédent. Bon, il s'était avéré que j'avais passé une merveilleuse soirée, au final, mais ça, évidemment, je ne lui avais pas dit. Je ne devais pas perdre cet avantage. Dans une fratrie, la clé, c'était de ne jamais admettre s'être trompé. Si on le faisait, on devenait le maillon faible et c'était la porte ouverte à toutes les manipulations possibles. Non, même sous la torture, je devais continuer à déclarer que j'avais passé la pire soirée de ma vie.

Cœur meurtri ('Nombreux')Où les histoires vivent. Découvrez maintenant