Chapitre 25 - Quatre ans avant l'incident

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// Ben

Voilà une semaine que je tentais d'appeler An' sans qu'elle ne décroche son fichu portable. Je ne supportais plus son silence. Surtout parce qu'il me semblait bien légitime. Ouais... j'avais foiré sur toute la ligne. J'avais bien senti que dissimuler mon attirance pour elle aux yeux du monde commençait à lui peser, et pourtant, je devenais de plus en plus craintif.

- Crois-en mon expérience, si une femme ne répond pas, c'est qu'elle ne le veut pas.

Sans blague ?

J'opinai poliment à la remarque de mon collègue de vingt ans plus âgé que moi. C'était hallucinant à quel point l'âge octroyait certains droits aux gens, comme celui de vous dispenser des conseils de merde.

Évidemment qu'elle ne voulait pas me répondre, je n'étais pas totalement crétin, mais j'espérais qu'elle comprenne à quel point elle me manquait, à quel point son silence me pesait.

Nous surveillions la Place du Marché aux Herbes, un endroit où grouillaient des personnes de tout âge en quête d'excès d'alcool. Je détestais travailler le vendredi soir à cet endroit, je risquais à tous les coups de tomber sur des connaissances ou pire, des potes.

Je n'avais pas honte de mon métier, mais plutôt de mes échecs. Être policier n'était pas mon premier choix et ceux qui me connaissaient un tant soit peu le savaient. C'était un choix par dépit parce que je voulais protéger des gens sans savoir exactement quelles étaient mes vraies aspirations. Je ne perdais toutefois pas espoir, j'étais certain que je trouverais un jour le job qui me ferait vibrer, qui me donnerait envie de me lever le matin pour aller bosser. J'étais juste plus en retard que la moyenne pour ça, il fallait croire.

Les musiques des différents bars de la place se percutaient pour former une cacophonie qui ne semblait déranger aucun des fêtards. Il y avait de tous les genres et c'était presque amusant d'observer les personnalités de chacun se diriger vers la musique qui semblait convenir à leur style vestimentaire voire carrément leur physique. C'était comme si nous avions tous une étiquette collée sur le front avec le genre de lieu qui nous était prédestiné.

Actuellement, nous nous trouvions dans une zone qui sonnait plutôt rap. Pas le lieu où j'aurais pu trouver mon meilleur ami, préférant largement le rock. En revanche...

- Putain, Lacombe est encore à se damner. Je vais me le faire ce soir ! cria un gars aux traits androgynes pour masquer les décibels et se faire entendre de son entourage.

Son ami l'encouragea d'un sourire très enjoué, mais ses yeux vitreux prouvaient qu'il était déjà beaucoup trop alcoolisé pour avoir un raisonnement logique.

Naturellement, mon regard erra autour de moi pour trouver Lacombe Junior, car s'il était là, alors j'étais presque certain d'y trouver celle qui occupait toutes mes pensées.

Trouvé. Il portait encore une tenue de gendre idéal, mais sur lui, il y avait cet effet sûr de lui et décontracté. Totalement l'inverse des types coincés qui portaient habituellement ce genre de fringues. Il évoluait avec aisance dans ce milieu de bourgeois / fils à papa et restait un play-boy incontestable, le tableau de chasse rêvé pour la gent masculine attirée par les hommes. En réalité, son style de gars rangé n'arrivait pas à gommer sa perversité intérieure. Je ne savais pas dire pour quelle raison je le détestais de tout mon être, mais ce gars me donnait l'impression qu'il était tout sauf net. Quand il était plus jeune, il tirait tout le temps la tronche et puis, un jour, il a totalement switché et a commencé à sourire sans raison particulière, à tout, à n'importe qui. Là, j'avais compris que quelque chose n'était pas clair dans son attitude, il cachait ses démons sous un air angélique qui ne lui correspondait pas du tout. Et ce type était le meilleur ami d'Anaïs...

Cœur meurtri ('Nombreux')Où les histoires vivent. Découvrez maintenant