Chapitre 40

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La suite du trajet se déroula dans un silence total.


L'atrocité de leur journée s'avérait déjà bien dure à porter, et maintenant, cette ambiance pesante ajoutait une enclume sur leurs épaules.

L'énorme boule de feu se fondait avec les montagnes qu'ils laissaient derrière eux.

Il était loin à présent, ce contre-jour.


Quelle longue distance ils avaient déjà due parcourir jusqu'ici ! Un rien pour le monde, un tout pour eux.

Ces nouvelles dimensions semblaient toujours impossibles à assimiler. C'était comme un choc dont ils ne parvenaient pas à se remettre.

Autant d'espace...

C'était presque angoissant.


Le paysage défilait lentement pendant un temps, répétitif, ondulé de sable, aride et poussiéreux, jusqu'à ce que la nuit tombe.

Le noir qui avait tout englobé sur son passage était d'une intensité rare, si profond qu'en y réfléchissant, Ricardo eut l'impression de n'en avoir jamais rencontré de tel auparavant.

Oh, bien sûr, le voyage stressant qu'ils avaient effectué en wagon était rempli d'ombre, mais un fin liseré de lumière pénétrait encore suffisamment pour le rassurer.

Après aujourd'hui, plus rien.

Il n'allait pas l'avouer, mais il était terrifié. Pourtant, il n'avait rien dit, car même si Alice pouvait sûrement trouver un moyen de lutter contre l'obscurité à bord, il voulait faire face à cette appréhension en s'en mordant secrètement les doigts tout seul. C'était sa façon à lui d'être courageux.


Peu à peu, le vent se mit à soulever des nuées sableuses dans le ciel qui obstruèrent le moindre espoir d'apercevoir les étoiles. C'était à croire qu'elles ne voulaient pas les saluer.

Anatole suggéra de s'arrêter un moment pour faire grimper les deux chevaux sur le char, puis il ouvrit la voile. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre le fonctionnement de l'engin qui était, selon lui, très facile à manier.

Cet échange bref ne suffit pas à apaiser les consciences.


Puis, le vent commença à souffler plus fort.

Le véhicule passait habilement entre les bourrasques, comme poussé sur le sol par des bras invisibles qui leur tendaient enfin la main.

Il prenait de la vitesse, cependant une étrange sensation de liberté remplaçait progressivement les peurs refoulées.

Peut-être y avait-il une forme de danger ici, après tout, Anatole n'avait jamais eu l'occasion de conduire un char à voile, mais pour une fois, il avait le sens du risque. Ou du moins, il en avait la curiosité.

Le rire du grand baraqué qui avait rejoint l'autre à la barre retentissait, brisant enfin la lourdeur qui planait.

Il explosait en éclats de soulagement nerveux, les cheveux volant dans son visage.

Pas-à-pas, il s'avança sur la pointe de l'engin, moins à l'aise qu'à son habitude à cause des chaussures qui étouffaient ses orteils.

Lorsque Anatole heurta une bosse, Ricardo manqua de tomber, mais il saisit de justesse l'un des cordages qui pendaient là. Solidement attaché, il pencha son corps dans le vide et jeta la tête en arrière, sourire immense plaqué aux lèvres, yeux fermés.

L'éveil des IlluminésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant