Chapitre 46

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Il existe deux types de personnes dans ce monde impitoyable : ceux qui luttent contre leur propre instinct de peur d'y perdre quelque chose, et ceux qui foncent.


Tandis que François peinait encore à se remettre des visions qui déclenchaient chez lui des émotions primitives, Salomé n'avait pas hésité deux fois à se débarrasser provisoirement de l'obstacle vivant qui entravait leur liberté.

La pierre, dure et friable à la fois, avait heurté son crâne avec une telle violence qu'elle s'était pulvérisée en éclats.

Le mystérieux clandestin n'avait pas eu le temps d'échapper une once de cri que déjà, son corps s'était écroulé, ses mains tenant sa tête par automatisme comme pour contenir les fragments d'os qu'il imaginait s'enfuir.


Jerry s'était rué sur son arme, partagé quant au clan pour lequel il devait combattre.

Il la tenait fermement entre ses mains tremblantes, vieillies par les rayons agressifs du soleil.

Son front, parsemé des rides du souci, transpirait de grosses gouttes de sueurs angoissées.

Par peur qu'il ne choisisse de retourner sa veste, Anatole s'approcha lentement, les mains bien en vue pour exprimer son innocence. Il le fixait en gardant le contact constant, s'assurant de conserver son attention. Puis, d'une voix calme, il s'adressa au marchand. Celui-ci jetait des coups d'œil nerveux au reste de la bande qui se reculait peu à peu.


" Jerry, je t'en prie, garde la raison. Nous sommes vraiment désolés pour cette pagaille, mais nous n'avions pas le choix, tu comprends, n'est-ce pas ? Cet homme était malveillant, et nous devions protéger les nôtres.

- Recule ! lui hurla-t-il dessus en les pointant tout à tour de son viseur.

- Oui, ça va, ça va, je recule, regarde. Baisse ce canon, je t'en supplie. Nous avons une tâche de la plus haute importance à accomplir, tu le sais ? Ne blesse pas les enfants de l'Académie. Tu... tu les auras tous sur le dos après, j'ai tort ?

- J'en ai rien à foutre ! Qui saura que c'est moi ? Hein ? Toi ! Toi, là ! Recule ! Arrête de me regarder ! Baisse les yeux et recule ! " ordonna-t-il à Salomé.


Dans le fond de la scène, Alice parvenait enfin à se rapprocher des chevaux qui dormaient debout, totalement insensible à l'agitation des lieux.

Le vent se levait progressivement, renforçant les envies de tous de quitter ce campement de malheur au plus vite.

À quelques mètres, ses co-équipiers tentaient de se sortir d'affaire en raisonnant l'homme au chapeau qui regrettait visiblement d'avoir accordé sa confiance à un groupe qui ne respectait pas la quiétude de son camp, ce qui débordait d'ironie quand on pensait à cette connaissance immorale étendue au sol, invitée à passer la nuit sur place.

François était complétement déboussolé, et il souhaitait plus que tout pouvoir se reposer sur les compétences plus solides de ses compagnons, pourtant à cet instant précis, piégés par l'urgence, aucun d'entre eux ne semblaient avoir la moindre maîtrise de ceux-ci.

Seule la plus âgés des élus utilisait sa force à bon escient, et plus ils progressaient dans l'enfer de la surface, plus elle dévoilait des impulsions de violence que la montagne avait toujours étouffé jusqu'ici. Mais même cette vaillante ne pouvait rien faire lorsqu'on pointait sur elle un objet d'une telle capacité destructrice.


Quant à Ricardo, jamais il ne s'était senti aussi inutile de toute sa vie, lui qui avait été désigné par la tigresse Nour pour représenter le courage au sein du clan. Avec son bras blessé et son cou encore sensible, son estomac qui criait toujours famine malgré les quelques bouchées ingurgitées et le manque de sommeil, il n'arrivait plus à mettre de l'ordre dans ses pensées. Tandis qu'il avait grandi avec la fervente conviction qu'agir sans songer permettait de repousser ses limites et de progresser, à ce moment-là, il aurait tout donné pour devenir quelqu'un d'autre. Quelqu'un de raisonné, et responsable, quelqu'un d'un peu moins stupide, et égoïste, car son impulsivité ne pouvait les tirer de cette situation délicate où le moindre mouvement pouvait déclencher la fin de leur aventure.


L'éveil des IlluminésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant