Chapitre 4

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L'an 2000 marque le début de la fin.


Tous les piliers sur lesquels reposent les fondements de la société moderne s'effondrent les uns après les autres en un demi siècle seulement.Ce qu'on appelle « la crise » semble toucher tous les champs d'activité.Crise socio-économique.Crise écologique.Crise sanitaire.Crise existentielle.


Les ressources que la Terre avait à offrir se retrouvent pillées jusqu'à la dernière miette.Les forêts ne respirent plus.Les carrières ne sourient plus de leurs dents de calcaire.La pauvreté ronge les familles jusqu'à la moelle.La solitude envahit les cœurs et le mot entraide disparaît du dictionnaire.Et l'histoire se répète.


D'abord, les fleuves du monde commencent à prendre une étrange couleur de damnation. En Chine et en Inde, des coulées de boue se déversent dans les rues ensevelies de déchets pour se jeter dans des bras morts. L'eau déborde et emporte tout sur son passage, laissant derrière elle des flaques pourpres répandues sur le sol.


Ensuite, l'univers perd bon nombre de ses précieux habitants. Une quantité abominable d'espèces s'évanouit de l'existence du monde sous les coups de l'Homme. Les amphibiens qui partaient joyeusement trouver leurs compagnons derrière la grande plaine grise se retrouvent percutés de plein fouet par des chevaux de fer hors de prix, conduit fièrement par des créateurs de start-up. Plus personne n'entend chanter les grenouilles.


Peu de temps après, les naturalistes commencent à noter une effroyable augmentation des pontes de moustiques. Il semble que ces petites créatures trouvent bien utile la disparition de leurs principaux prédateurs. Sans parler de ces poches d'eau stagnante se succédant dans les coins des hameaux, qui répandent des effluves immondes de flotte croupie et créent, bien sûr, des lieux de ponte parfaits. Malgré la taille insignifiante de l'insecte, son nombre a raison de l'Homme en propageant des fièvres mortelles sur les continents. Beaucoup d'entre eux en meurent.


Plus tard, lorsque les températures se mettent à augmenter en flèche en quelques années, même si tout le monde a été prévenu, personne n'est prêt. Toute la nourriture pauvre en goût qui poussait difficilement dans la terre dépérit en une poignée de saisons et ne repoussa plus jamais. Il n'y a plus de fruits, plus de légumes. Les villes se ruent sur les parcelles destinées au bétail. On arrache les tiges à peine matures à pleine main. On tue pour une poignée de céréales. Bientôt, les champs sont vides et ne repousseront plus jamais. Les troupeaux dépérissent, sans rien à se mettre sous la dent, et l'Homme se met à dépérir à son tour, sans troupeaux pour combler le vide de son estomac.


Le malheur suivant qui s'abat sur la planète vient progressivement à bout du reste de l'humanité. Une succession de pandémies accable une poignée de malheureux qui n'ont pas assez souffert des premières vagues. Enfouis dans des maisons barricadées de toiles antivirus, les lueurs d'un passé joyeux s'éteignent de jour en jour. Les rêves des enfants partent en poussière, accompagnant les fumées étouffantes de leurs amis qui s'envolent dans les cieux.Par les fenêtres jaunies de pollution, on peut voir venir de loin des orages qui n'ont jamais été inscrits dans aucun manuscrit. Des avalanches de glace tombent du ciel pour s'écraser sur l'espoir de la population. La foudre frappe sans s'arrêter, recouvrant les radars météorologiques d'un rouge anxiogène. Les sables du Sahara se répandent à l'intérieur des terres et brouillent la vision du vivant jusqu'à lui faire oublier sa propre position dans le globe. Soudain, la journée n'est plus, seule l'obscurité prend le dessus.Plus personne n'aura d'enfant, c'est la fin des temps d'antan.

L'éveil des IlluminésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant