L'éveil des Illuminés

Chapitre 54

En théorie, moins il y a d'habitants sur Terre, et plus ils compteront les uns sur les autres car ils ne seront séparés que de quelques poignées de mains.

Mais la sociologie a t-elle vraiment sa place dans un monde où compter sur l'autre s'avère plus dur que d'avoir confiance en soi ?

Les bruits des couverts raclant la vaisselle et les éclats de rires gras s'étaient rapidement tus. On aurait pu croire qu'un mot invisible avait circulé parmi eux, et cela n'aurait surpris personne. Tous semblaient s'être tacitement entendus pour affirmer que le nouvel arrivant risquait de poser problème. Des messes basses circulaient maintenant entre les barils de fer qui servaient de mange-debout :

" Il est déjà de retour ?

- Le calme n'a pas duré.

- Il est souvent là en ce moment... je ne comprends pas pourquoi le camp ne déménage pas.

- Ils font de bonnes affaires.

- Oui, mais...

- Je sais. Taisez-vous, il nous entend. Partons."

Scott s'approcha des trois quarantenaire qui se partageait un maigre serpent.

Tous baissèrent la tête devant le charisme désagréable de l'homme entouré de ses mercenaires, et lorsqu'il écrasa sa paume sur la table bancale, ils sursautèrent.

L'un donna même son sac à dos avant de rejoindre ses comparses partis en courant, provoquant ainsi le rire hautain du chauve qui bombait anormalement le torse.

Près du comptoir, il y en avait un qui peinait à retenir son dégoût.

Ricardo dévisageait l'équipe de choc qui entrait semer la terreur pour le plaisir, tout particulièrement ce pseudo-leader qui affichait un sourire immonde en permanence.

De toute évidence, il n'aimait pas cette attitude.

Toutefois, l'humain ne l'avait pas encore assez perverti pour qu'il ne ressente cette envie de lui envoyer un coup en pleine face.

Alors que de son côté, la plus âgée du groupe faisait défiler mentalement un nombre incalculable d'horrible sévices qu'elle aurait pu leur imposer si elle n'avait pas été retenue par le fameux regard désapprobateur de François.

" Inutile de se faire remarquer, averti Anatole.

- Toi, tu ne vois clairement pas les coups d'œil qu'ils nous lancent, releva Alice avec une certaine appréhension dans la voix.

- Ah ? Ils nous regardent ? demanda-t-il en plissant les yeux.

- Ah oui, ils nous fixent même, dit la jeune fille en se tassant derrière les jambes immenses du blond.

- Quoi ? Fixe ? Ah. Mince. Et bien... partons, proposa le bigleux.

- Ah oui, non mais ils viennent vers nous là Ana..."

Pas le temps d'écouter les dernières indications de sa jeune amie que l'intellectuel se dirigea vers une sortie qui n'en était pas une, heurtant malencontreusement un thorax dur qui se positionnait sur son chemin.

Paupière à demi-closes pour concentrer sa vision au plus précis, il rencontra une armure de cuir qui puait la bête mal préparé. Il recula et tenta de s'excuser auprès de cette femme qui faisait partie de cette faction principalement masculine sans en avoir l'air plus commode pour autant. Néanmoins, elle n'était pas de cet avis. Elle serra la mâchoire et le poussa sans vergogne.

" Qu'est-ce tu veux tas de merde ?

- M...moi ? Écoutez, il doit y avoir un malentendu. Vos propos scientifiques sont erronés. Je ne pense pas être un amas de déjections. D'ailleurs, je ne vois pas le rapport. Voyez-vous, j'ai simplement égaré ma monture durant notre périple, ce qui me cause un certain nombre de difficultés à prendre en considération ma position dans l'espace. Mais n'ayez crainte, mes camarades et moi-même ne souhaitons guère vous importuner davantage."