La lumière éblouissante des lanternes artisanales de Contre-Jour brûla subitement la rétine de François.
Il avait l'étrange sensation que ses yeux étaient infiniment secs et granuleux, à croire qu'il avait pleuré des montagnes. Son torse se soulevait encore à une vitesse alarmante, comprimant ses poumons dans sa cage thoracique qui soudainement portait très bien son nom. Le jeune homme se retrouvait allongé sur la plage de galets, le teint encore plus blafard que d'habitude, le front trempé de sueurs froides. Son corps était régulièrement secoué de spasmes de terreur et il serrait tellement la mâchoire qu'il aurait pût s'en casser les dents.
Il était vaguement capable de discerner une silhouette familière s'agiter à quelques mètres de lui, essayant de communiquer, mais de toute manières il n'entendait plus qu'un bruit sourd qui était venu remplacer l'apaisante faune de la caverne.
Devant l'état alarmant de son ami, Anatole qui l'avait vu s'éclipser auparavant et s'étonnait de ne pas le voir revenir, alla d'un pas précipité à la rencontre de Nana.
Sur son chemin, il laissa trainer des odeurs d'inquiétude qui ne tardèrent pas à alerter les empathiques du village, partant aussitôt à la rescousse du garçon.
Bien vite, un petit groupe de personnes s'attroupa autour de François qui peinait encore à respirer.
Il voyait trouble et se sentait à l'étroit, croiser n'importe quel regard aurait été comme recevoir une balle dans la poitrine. Cette anxiété puissante qui l'avait gagné, elle était pratiquement indescriptible. Il lui aurait semblé être enfermé dans une boite dont le niveau d'air baissait à vue d'œil sans jamais vraiment savoir quand l'asphyxie allait se jeter à sa gorge.
Des visages inquiets se penchèrent au-dessus de lui, articulant des paroles incompréhensibles.
Sur la place du village, la piste de danse s'était vidée et les assiettes remplies égarées sur les tables. Les fanions bougeaient sous les mouvements perpétuels de la brise, renforçant la solitude d'un lieu remplie il y a de cela quelques minutes.
Nana sépara le fleuve de curieux en deux du bout d'un bâton.
Sa bouche n'avait pas besoin de parler car ses yeux hurlaient « Laissez-moi passer. » .On vit la vieille femme s'accroupir, le craquement de ses articulations déchirant le silence bruyant. Elle porta deux doigts crochus à ce visage moucheté de rousseur, pour en essuyer l'angoisse qui ruisselait. Face à une avalanches de questionnements et de révélations qui traversa ses songes, elle ne fit que plisser ses lèvres fines pour empêcher les mots indésirables d'en sortir.
Quand elle eût fini de sonder son petit protégé, la grand-mère du village tenta maladroitement de dissoudre l'agitation mais cela ne faisait que renforcer l'évidente gravité de l'état de François.
" S'en est assez, regagnez la célébration. Il va très bien, rien d'inhabituel."
Anatole adressa un regard interloqué à la doyenne mais choisit de ne rien dire. A genoux à côté de son ami, il le fit prendre appui sur son épaule pour se redresser. Il n'en dira rien, mais une appréhension bien placée commençait à prendre place dans ses tripes.
François était pour lui un compagnon d'une valeur inestimable. Ils ne se comprenaient pas la plupart du temps, il était plutôt du genre calme et sérieux tandis que le rouquin, comme un aimant à problèmes, se mettait dans des situations absurdes sans arrêt.
Lui qui avait eu la chance d'avoir sa cérémonie de Renaissance très tôt, il avait tout naturellement trouvé sa place au sein de la communauté. Considéré comme un vrai expert de la théorie, il accumulait les informations dans tout sujets confondus et s'assurait de la passation de savoir entre les anciennes et nouvelles générations.
Tandis qu'il croulait sous les requêtes de ses proches, comblé de participer au bon déroulement de la vie ici à Contre-Jour, il ne pouvait s'empêcher de garder un œil protecteur sur ce garçon aux couleurs de feu qui était un matin arrivé, sauvage et couvert de terre.
Il l'avait vu apprendre à se redresser, à utiliser ses cordes vocales pour faire autre chose que grogner ou rugir. Il se souvenait l'avoir vu s'entraîner des heures à tenir une plume, et ce n'est que bien plus tard qu'il était parvenu à écrire son prénom.
Et depuis ce, Anatole l'observait de loin essayer de devenir comme eux.
François semblait avoir essayer tout les passe-temps de la caverne, il avait tissé, joué de la harpe, fabriqué quelques toitures et escaliers, éduquer vaguement des frères et sœurs mais rien n'y faisait.
Pratiquement dénué de toute coordination et de bon sens, François n'avait jamais trouvé quels étaient ses dons lors de l'enfance, et depuis il coexistait sans grand enthousiasme avec les lamas-plume qui broutaient paisiblement. Eux, au moins ne le jugeraient pas d'avoir échouer la quête de son épanouissement personnel.
Le plus âgé le savait profondément affecté par son incapacité à trouver son identité, alors il avait toujours prit soin de le traiter comme une personne entière.
" Ce n'est pas parce que tu te sens vide que tu n'es pas plein de ressources." lui avait-il dit à un moment où le rouquin était particulièrement vulnérable.
Et c'est maintenant, alors que François se couvrait davantage de honte et désespoir à cause de la fragilité de son âme, que son ami lu dans les yeux des autres une forme de pitié qu'il se refusait à accepter. Il entendait des murmures indiscrets.
" Tu crois qu'il à trop bu?
- Le pauvre garçon, à cet âge là, encore si instable..."
Qu'y avait t-il de mal à apprendre l'emplacement de ses limites? La sensation de vivre dans une quête insensée de la perfection traversa les idées d'Anatole, qui frustré par l'impatience de son peuple cracha sèchement:
" Bon sang, vous n'avez pas entendu Edith? Il va bien. Reprenez vos occupations."
François fût accompagné à sa chaumière, on lui prépara un lait tiède mais rien ne su apaiser son stress morbide.
Anatole resta quelques heures le divertir, mais sa jambes qui sursautait sans interruption ne faisait que traduire les signes de son tourment. Ses yeux se posaient régulièrement sur la porte, dans l'espoir de voir la doyenne rentrer enfin à son domicile, mais ce soir il n'en serait rien, car suite aux récents événements, quelque chose se tramait à Contre-Jour.
Ce soir, le Conseil se réunissait.
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L'éveil des Illuminés
Ficção CientíficaTOME 1 : Lorsque François se retrouve à avoir des visions floues sur un mystérieux jeune homme, rien ne laisse présager qu'il est sur le point d'abandonner tout ce qu'il a jamais connu, sa terre et son peuple les Illuminés, pour parcourir le plus g...