Chapitre 58

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Parfois, la frontière entre deux mondes peut paraître si fine qu'elle en devient difficile à discerner.

Alors, naît de cette ambiguïté une troisième entité.

Ainsi, le jour et la nuit donnent naissance au crépuscule.

Ainsi, l'amoureux de ses amis suivra Platon.

Ainsi, l'égoïste bienveillant ne sera rien de plus, au fond, qu'un Homme banal qui survit.


Tandis que l'atmosphère prenait des teintes orangées qui ne changeaient pourtant en rien l'intensité de la température, Salomé et Ricardo remettaient progressivement les traits de l'intellectuelle à la chevelure d'or.

De son côté, Marlène semblait ne pas avoir eu besoin de plus d'une seconde pour reconnaître les supposés Nettoyeurs qu'elle avait envoyé tenir compte des chiffres au siège local de l'Académie.

Après tout, leurs profils charismatiques n'étaient pas de ceux que l'on oublie si vite.

Ils étaient grands, et immaculés de soucis, comme ces jeunes qu'elle voyait grandir chez elle et qui n'avaient jamais eu la malchance de goûter à la misère.

Elle fronça de beaux sourcils entretenus au-dessus de ses yeux clairs qui traduisaient une souffrance contenue, et lança d'un air suspicieux :


" Je ne plaisante pas. Spencer vous a envoyé il y a des jours. Vous savez très bien ce que vous risquez si vous n'êtes pas de retour avec un accusé de réception. "


Les deux incrédules se regardèrent, incapables de comprendre à quel point cette menace devait être prise en compte.


" Eh bien... oui, nous le savons. Nous avons eu un malencontreux incident de parcours, aussi, nous avons dû effectuer une halte sur ce camp, expliqua maladroitement Ricardo qui ne savait pas trop où il allait avec cet argumentaire improvisé.

- Le char. Ouais, c'est le char à voile. Il nous a été... enfin, on nous l'a volé. Voilà. Avec tout. Donc... heu... on s'est arrêté là. Pour trouver du stock et un nouveau moyen de locomotion."


Salomé avait repris les rênes du dialogue en s'appliquant à moduler son vocabulaire dans l'espoir de se fondre davantage dans son environnement, ce qui força son ami à se mordre la lèvre inférieure, croulant une fois de plus sous la honte de sa naïveté.

Par chance, leur interlocutrice donnait l'impression d'être si captivée par ses préoccupations personnelles qu'elle ne porta que très peu d'attention à leur discours bancal.

Elle secoua ses mains d'un geste agacé comme si elle faisait fuir un moucheron lui volant trop près du visage, et s'avoua vaincue avant même d'essayer de gagner.


" Peu importe, ça m'est égal. C'est votre problème après tout. Ce sont vos proches qui seront éliminés en cas d'erreur, pas les miens. Déguerpissez maintenant, je ne veux plus vous voir. "


Ils baissèrent la tête, et entendirent contre toute attente ses pas qui s'éloignaient déjà dans le sable.


" Aïe ! Mais pourquoi tu fais ça ? s'écria le géant qui venait de recevoir une claque derrière le crâne.

- Idiot.

- Qu'est-ce que j'ai encore fait ?

- Tu sais très bien. Nous ne sommes pas à la maison ici. Adapte-toi. Parle comme ces gens, ou nous finirons par avoir de sérieux ennuis. "


Il refoula son envie de se défendre, sachant pertinemment à quel point sa camarade avait raison sur ce point.

Ce qui le blessait, c'est qu'il faisait pourtant de son mieux, et qu'à la surface cela ne semblait jamais être assez.

L'éveil des IlluminésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant